Chaque semaine Harris Interactive interroge un échantillon de plus de 2000 Français. En leur posant une question simple et tout à fait ouverte : « Qu’avez-vous retenu de la campagne présidentielle cette semaine ? ». Sans rien suggérer. Sans rien proposer. En laissant les personnes que nous interrogeons libres de nous dire et ce qu’elles ont entendu de la campagne présidentielle et ce qu’elles en ont retenu. Vu que l’on peut considérer qu’une élection se gagne déjà par une « hégémonie idéologique et culturelle » (pour paraphraser Gramsci), regardons la manière dont les électeurs parlent de la campagne.
Pour dégager l’essentiel de cette matière riche et spontanée, les réponses sont analysées par Proxem (https://www.proxem.com), pionnier de l’analyse sémantique de données textuelles. Chaque semaine, Proxem y détecte les personnalités et mouvements politiques, les thématiques et événements majeurs, de manière à pouvoir en mesurer la fréquence. Semaine après semaine se dégagent ainsi les grandes tendances de la campagne et les événements singuliers qui ont marqué l’actualité.
Chaque semaine, nous délivrerons ce qui nous a marqué.
François Fillon reste toujours la personnalité la plus citée (20%) parmi les cinq principaux candidats à la présidentielle pour la quatrième semaine consécutive. Ils sont, avec Emmanuel Macron, les deux candidats dont 10% ou plus de Français parlent (14% pour Emmanuel Macron). La semaine précédente, le débat télévisé de TF1 avait eu pour effet comme un aplanissement des citations, vers une répartition plus équilibrée. Cette semaine des écarts se créent. La part de mentions de Jean-Luc Mélenchon (8%) dépasse celle de Marine Le Pen (7%) et de Benoît Hamon (6%). Ce dernier est le moins mentionné spontanément des principaux candidats par les personnes interrogées.
Les personnes interrogées mentionnent François Fillon principalement en lien avec les affaires du candidat. Le cabinet noir est cité spontanément par 7% des personnes et les montres de luxe offertes au candidat par 2%.
La majorité des sympathisants Les Républicains affichent un soutien à François Fillon : « on le soutient ». 27% en parlent et sont principalement agacés de la médiatisation des affaires : « Il y en a marre, débat pollué », « ce candidat est ” harcelé ” de jour en jour ». Le cabinet noir est cité à 15% des sympathisants LR. Ces derniers supportent François Fillon, et appuient l’idée selon laquelle il serait victime d’un cabinet noir :
« Riposte nécessaire à une véritable manipulation du pouvoir sur les présidentielles », « Finement joué, un très grand stratège », « Si vraiment ce “cabinet” existe il est normal que l’affaire soit mise au grand jour », « Machiavel (CF : François Hollande) est l’instigateur de la campagne menée contre F. Fillon comme il avait déjà procédé en 1983 avec Mitterrand dans l’affaire “Caton” », « Les informations contre Mr Fillon ne sont pas tombées du ciel ».
François Fillon est aussi cité par 33% des sympathisants d’En Marche, par l’Extrême Gauche et de Gauche 27%, à 19% par le FN. Les tonalités des citations sont, pour le coup, majoritairement négatives. Les personnes interrogées mentionnent notamment le « cabinet noir » à 9% par les proches de l’Extrême Gauche et de la Gauche, à 12% par ceux d’En Marche ou à 5% par les sympathisants FN. Les sympathisants d’En Marche et de la Gauche évoquent une paranoïa :
« Un grand malade » (En Marche), « Les bouffées de paranoïa aigües de François Fillon », « C’est pas la prison qu’il lui faut mais la psychiatrie » (En Marche), « De la paranoïa. Inquiétant de penser que Fillon pourrait devenir président avec ce trait de personnalité qui s’impose de plus en plus » (PS). Ils déplorent la mention d’un cabinet noir : « Victimisation » (PS), « Je trouve affligeant de réagir de la sorte », « Ridicule » (En Marche).
Ils estiment que François Fillon cherche à se sauver :
« Dernière cartouche » (En Marche) « François Fillon qui affirme qu’il y a un « scandale d’État » à travers l’existence soupçonnée d’un cabinet noir à l’Élysée. ; ne sachant plus quoi exploiter pour sauver sa peau il en devient ridicule » (PS).
Du côté des sympathisants FN, qui parlent de François Fillon à 19%, la tonalité est aussi négative. Ils perçoivent aussi le cabinet noir comme un entêtement, sans le remettre en cause :
« Au lieu de se retirer l’homme s’entête à vouloir prouver qu’il est le candidat qui va sauver la France mais non ! Même si je le rejoins sur le point du complot politique venant de la gauche voir du président mais ça n’excuse en rien les faits qui lui sont reprochés. »
Remarquons que le programme n’est pas ou peu mentionné et, le plus souvent, lorsqu’il l’est c’est pour déplorer son absence dans le débat politique principalement de la part des sympathisants LR.
« Encore et toujours des polémiques sur le candidat au lieu de parler des programmes ce qui intéresse les Français ».
Une campagne électorale est parfois marquée par des à côté. On a pu en voir avec l’erreur insulaire du candidat d’En Marche. Emmanuel Macron est mentionné par 16% des sympathisants de Gauche, à 28% par les sympathisants du mouvement En Marche, à 28% de ceux de Droite, et enfin à 15% par ceux du FN.
Ce sont donc les sympathisants de Droite et d’En Marche qui en parlent le plus. Le candidat est principalement cité en lien avec la Guyane. Ce territoire est mentionné à 7% par les personnes interrogées, peu en rapport avec les grèves mais principalement avec la « bourde » d’Emmanuel Macron. 10% des sympathisants d’Extrême Gauche et Gauche mentionnent ce terme, 12% de ceux de Droite, 8% chez les proches du FN, et seulement à 7% par des sympathisants d’En Marche. La « gaffe » d’Emmanuel Macron est donc plus commentée par ses opposants que par ses sympathisants. La tonalité des verbatim est très négative, moqueuse :
« Inculte », « Il devrait mieux connaître la géographie française », « Pathétique » « Macron qui prend la Guyane pour une ile et les Réunionnais pour des expatriés » (LR), « Macron croit que la Guyane est une île ! C’est donc un cancre qui prétend vouloir être président ! J’ai d’abord éclaté de rire, mais c’est consternant de voir un candidat à la présidence française qui ne connait pas tous les territoires français ! » (FN)
Mais au final sans effet manifeste chez ses soutiens déjà acquis.
Les ralliements d’élus socialistes ou UDI, ou encore d’anciens soutiens à Emmanuel Macron est également discuté par les personnes interrogées. Sont nommées tout particulièrement Manuel Valls (avant son interview sur RMC/BFMTV) et Jean-Yves Le Drian. Ces ralliements sont bien perçus par ceux déclarant vouloir voter pour Emmanuel Macron en 2017. Et avec la perception qu’il n’y a pas d’amendement au programme politique :
« Le ralliement de plusieurs personnalités de gauche à Emmanuel Macron. Chacun a ses propres convictions et des valeurs. Le programme d’Emmanuel Macron est réaliste et adapté à la situation dans laquelle se trouve la France ».
Au contraire, elles sont perçues négativement par les autres sympathisants :
« Macron le recycleur » (LR), « Un candidat du PS donc ! » (LR), « Déçue que certains fidèles de Fillon abandonnent … » (LR), « Les trahisons PS » (vote Hamon)
Reste que le programme est toujours très peu commenté, soit une seule citation précise sur le programme :
« Macron ; un peu jeunot !!! pour tenir tête aux grands de ce monde ! La taxe sur les propriétaires à la place de la taxe d’habitation : très mauvaise idée ! Les communes n’auront plus de revenus et les propriétaires de leur maison, après s’être saignés pour rembourser leurs emprunts, en récompense suprême ils paieront une taxe ! Ah non ! Dégagez cette idée ! » (LR).
Mélenchon est cité spontanément par 8% des personnes interrogées. Plus particulièrement 14% des sympathisants d’Extrême Gauche et Gauche en parlent, contre 15% pour ceux d’En Marche, 10% pour les sympathisants de Droite. Alors qu’il était très peu cité par les personnes interrogées, le débat de la semaine dernière a certainement relancé le candidat surtout parmi les sympathisants d’Extrême Gauche et Gauche. Il se positionne devant Benoît Hamon.
Les tonalités de verbatim concernant Mélenchon sont globalement positives, même parmi les sympathisants Les Républicains qui admirent son caractère d’orateur :
« Mélenchon, le tribun ; toujours sympa à entendre ».
Ils le trouvent meilleur que Benoît Hamon :
« Mélenchon/Hamon ; S’entendrait/pourrait aller au second tour (avec Mélenchon ! pas Hamon !!!) à mon avis ! », « la montée de Mélenchon ; cela ne m’étonne pas. Ses meetings intéressent les gens plutôt que celui de Hamon ».
Cependant, ils le perçoivent négativement concernant son ego : « mégalo ». Les tonalités sont aussi très positives au sein des sympathisants d’Extrême Gauche et de Gauche. Les sympathisants du PS le trouvent « intéressant », « en pleine ascension », « finalement Mélenchon paraît le plus convaincant ».
Plus de la moitié des sympathisants PS qui évoquent ce sujet commentent la remontée de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages, passant devant Benoît Hamon, un changement qu’ils voient d’un bon œil : « Intéressant », « Très positif », « Enfin quelque chose de nouveau ».
Les personnes interrogées déclarant voter pour Benoît Hamon aux prochaines élections attribuent notamment cette remontée de Jean-Luc Mélenchon à un manque relatif de charisme de Benoît Hamon.
« Mélenchon dépasse Hamon, avec un programme clair et précis, que l’on aime ou pas » ; « La supériorité de Jean-Luc Mélenchon ; personne ne lui arrive à la cheville quand il s’agit d’exprimer ses idées, c’est vraiment lui le meilleur » ; « Dommage qu’il n’ait pas le don de Mélenchon ! Ses idées sont innovantes et mériteraient un meilleur accueil. Le dernier socialiste, c’est lui », « Mélenchon passe devant Hamon dans les sondages ! ; Hamon ne sait pas s’expliquer, manque d’envergure, trop angélique ».
Le candidat soutenu par le Parti socialiste est le moins mentionné spontanément, seulement 6%. De plus, il l’est surtout plus chez ses opposants que parmi ses partisans, soit 8% pour les sympathisants d’Extrême Gauche et Gauche, 13% pour ceux d’En Marche, 12% chez ceux de Droite, et 6% pour les sympathisants du FN.
Les mentions faites de Benoît Hamon sont en lien avec les ralliements d’élus PS à Emmanuel Macron :
« Abandonné », « Hamon lâché par des socialistes », « Le PS se dirige vers Macron ; cela prouve qu’il n’y a aucun rassemblement de la gauche. Et Macron est préféré. Le programme de Hamon est impossible fait rêver les gens mais impossible de relever la France avec un programme pareil. » (LR), « Martyr. » (EM)
Même parmi ceux déclarant voter pour Benoît Hamon les tonalités de verbatim ne sont pas positives : « Décevant », « Il a du mal à percer ».
Il est, à son corps défendant, comparé à Jean-Luc Mélenchon, avec parfois des termes peu flatteurs :
« Meeting Mélenchon ; il est passé devant Hamon », « Mélenchon devant Hamon ; que Hamon se désiste pour Mélenchon, B Hamon a peu de charisme » (En Marche) « Mélenchon devant Hamon ; Excellent » (vote Mélenchon en 2017), « 10000 personnes pour écouter JL Mélenchon à Rennes ; il attire plus de monde que B. Hamon » (LR).
Retrouvez l’analyse sur http://compol2017.com/