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«Macron ne parle pas à l’ensemble de la gauche, ni même à l’ensemble des Français»

Directeur du département politique et opinion de l’institut de sondages Harris Interactive, Jean-Daniel Lévy analyse les points forts et les points faibles de l’ex-ministre de l ‘Économie, bien identifié «à la droite de la gauche» par les Français, mais qui peine à se faire apprécier à gauche.

Directeur du département politique et opinion de l’institut de sondages Harris Interactive, Jean-Daniel Lévy liste les points forts et les points faibles de la popularité d’Emmanuel Macron.

 

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Tonino Serafini : Quels sont les points forts de la popularité d’Emmanuel Macron dans les sondages ?

Ce qui distingue Emmanuel Macron, c’est sa capacité à être parvenu à se «faire un nom» en un temps record, quand de nombreux autres responsables politiques de gauche comme de droite, mettent des années pour se forger une notoriété. C’est, aujourd’hui, sa véritable force. Il est le troisième ministre préféré des Français, derrière Jean-Yves Le Drian et Bernard Cazeneuve. Deuxième point fort: Emmanuel Macron a un positionnement politique assez bien identifié par les Français qui le situent «à la droite de la gauche». Enfin, il a un bilan, avec notamment une loi qui porte son nom. Les Français ont notamment retenu de la loi Macron la création de lignes de bus permettant de se déplacer avec peu de moyens, ainsi que la possibilité de travailler le dimanche pour gagner un peu plus d’argent ou pouvoir faire ses courses.

T.S. : Comment Emmanuel Macron est-il parvenu à prospérer si vite dans les sondages ?

Macron a un langage très accessible, il «parle concret». On reproche souvent aux responsables politiques d’avoir un langage éthéré, impalpable. Lui se distingue par un propos clair. Il dit les choses. Dans son action gouvernementale il a aussi donné l’impression d’être capable d’agir vite, comme sa mesure sur les bus que les Français ont vue être mise en œuvre très vite.

T.S. : Quels sont ses points faibles ?

Le problème d’Emmanuel Macron, c’est qu’il est davantage apprécié à droite qu’à gauche. Il arrive en premier parmi les ministres préférés par les sympathisants de droite, mais seulement en neuvième position chez les sympathisants socialistes. Même s’il a effectué des sorties pro start-up, Emmanuel Macron est aujourd’hui davantage soutenu par des personnes âgées que par les jeunes, et davantage par les catégories socioprofessionnelles élevées que par les ouvriers/employés. Donc il ne parle pas à l’ensemble de la gauche, ni même à l’ensemble des Français.

T.S. : Peut-on comparer sa percée dans les sondages à celle de Ségolène Royal en 2006 ?

En 2006, Ségolène Royal fait sa percée après avoir été ministre dans le gouvernement Jospin, et après avoir ravi en 2004 la région Poitou-Charentes à la droite, région qui était considérée comme ingagnable. Symbole supplémentaire: cette collectivité était présidée par Jean-Pierre Raffarin, jusqu’à ce qu’il devienne Premier ministre en 2002. En 2006, Ségolène Royal avait donc déjà de nombreux marqueurs politiques, ce qui n’est pas le cas d’Emmanuel Macron, qui était un inconnu jusqu’à son entrée au gouvernement.

T.S. : Comme Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy, la transgression par Emmanuel Macron de certaines valeurs de son camp l’a-t-elle aidé à percer ?

Emmanuel Macron bouscule effectivement des idées à gauche avec ses sorties sur les 35 heures, l’ISF ou l’idéal de voir des jeunes «devenir milliardaires», par exemple. Bien qu’étant eux aussi dans un processus de transgression, Ségolène Royal à gauche comme Nicolas Sarkozy à droite, prenaient soin de donner des gages à leur camp. Ce que ne fait pas Emmanuel Macron. Lui dit «je ne suis ni de droite ni de gauche» ou encore «je ne suis pas socialiste». Se définir en négatif n’est jamais bon en politique. La preuve: le courant de sympathie dont il bénéficie ne se transforme pas en un comportement électoral. Aujourd’hui son positionnement en négatif ne lui permet pas de percer dans les intentions de vote pour la présidentielle. Pour l’instant, il ne «fait pas le trou» et n’apparaît pas comme une alternative à François Hollande.

T.S. : Sa sortie du gouvernement est-ce une bonne chose ?

Ça dépend pour qui. Cette démission est une mauvaise chose pour François Hollande car cela souligne, pour ses électeurs de 2012, qu’il n’est plus capable de faire la synthèse au sein de son gouvernement. En ce qui concerne Macron, tout dépendra de la façon dont les Français apprécieront sa sortie. S’ils y voient une stratégie purement personnelle, cela risque de jouer en sa défaveur. En revanche, si les Français jugent qu’il est parti sur un désaccord politique, il pourrait en tirer des avantages dans les mois qui viennent.

Lire l’article sur le site de Libération

 

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