Chaque semaine Harris Interactive interroge un échantillon de plus de 2000 Français. En leur posant une question simple et tout à fait ouverte : « Qu’avez-vous retenu de la campagne présidentielle cette semaine ? ». Sans rien suggérer. Sans rien proposer. En laissant les personnes que nous interrogeons libres de nous dire et ce qu’elles ont entendu de la campagne présidentielle et ce qu’elles en ont retenu. Vu que l’on peut considérer qu’une élection se gagne déjà par une « hégémonie idéologique et culturelle » (pour paraphraser Gramsci), regardons la manière dont les électeurs parlent de la campagne.
Pour dégager l’essentiel de cette matière riche et spontanée, les réponses sont analysées par Proxem (https://www.proxem.com), pionnier de l’analyse sémantique de données textuelles. Chaque semaine, Proxem y détecte les personnalités et mouvements politiques, les thématiques et événements majeurs, de manière à pouvoir en mesurer la fréquence. Semaine après semaine se dégagent ainsi les grandes tendances de la campagne et les événements singuliers qui ont marqué l’actualité.
Chaque semaine, nous délivrerons ce qui nous a marqué.
Le journal de 20h00, objet de convoitises et de fantasmes. Chaque responsable politique se souvient de son premier 20h00. Il peut être vécu comme un moment permettant d’accéder au statut d’acteur politique de premier plan.
Cette semaine, pourtant, ce n’est pas le 20h00 qui a fait l’actualité de la campagne présidentielle. Ou en tout cas, pas les interviews qui s’y sont déroulées. Cette semaine, c’est l’équivalent du discours du Bourget de François Hollande (Emmanuel Macron au Parc des Expositions de la porte de Versailles) qui a marqué les esprits. Plus que l’interview de Manuel Valls dimanche au journal Le Parisien, qui titrait que sa candidature était une révolte. Plus que la déclaration de candidature de Vincent Peillon au journal de 20 heures de France 2…
Manuel Valls est logiquement moins cité que la semaine dernière dans la foulée de sa déclaration de candidature (16% contre 43%). Emmanuel Macron, quant à lui, atteint son niveau record de restitution (28%, versus 5% en moyenne depuis la fin du mois de juillet dernier).
Observons la timide émergence de Vincent Peillon qui bénéficie un peu de son lancement de campagne, Benoit Hamon et Arnaud Montebourg étant moins audibles sur cette dernière semaine. Plus précisément, notons que la candidature de l’ancien Ministre est, de prime abord, restituée comme « une de plus », se rajoutant à la « division » du PS et s’inscrivant comme une démarche « contre » Manuel Valls et non pas en « pour ».
Emmanuel Macron marque-t-il les esprits à Gauche ? A Droite ? Autant d’un côté que de l’autre a priori Et ce aussi bien au cours de cette semaine (respectivement 38% et 39% de citations) que lors des semaines passées. L’intérêt suscité par le candidat se révèle en effet être de la même intensité de part et d’autre de l’échiquier politique, comme l’illustre les courbes ci-dessous. Il est un peu moindre au FN (25% pour cette dernière mesure).
Une chose est sûre, c’est que le meeting a été remarqué. Les sympathisants de Gauche sont plutôt, dans leurs propos, calmes et positifs : « Le meeting d’Emmanuel Macron, il rassemble des partisans autour de ses idées. » ; « Il représente une alternative au PS. » ; « Macron déterminé. ». Est également mise en avant l’excitation qui a transparue au cours de ce qui est parfois restitué non comme une réunion politique à proprement parler mais plutôt comme un spectacle. En ce sens, la forme a pris le pas sur le fond. Si la démonstration de force a été relevée, si l’intensité dramatique du candidat est citée, le fond n’est pas vraiment restitué. Et le « procès » en libéralisme n’a pas atteint les sympathisants socialistes que l’on sait peu amènes à porter positivement cette thématique.
Est-il utile de dire que les qualificatifs les plus laudateurs se retrouvent chez les proches d’En Marche ? Et que si les remarques sur la forme, notamment de ce que nous pourrions appeler « le final », existent également au sein de ces répondants (« un peu trop exalté »), c’est la mobilisation mais aussi le programme énoncé qui semblent les avoir convaincus (et il s’agit des seuls), amenant cette expression quasi mystique : « [je] crois en son programme ».
Emmanuel Macron, ancien Ministre d’un gouvernement socialiste, souhaite transcender les clivages politiques. Il parvient, on l’a vu, à faire parler de lui des proches de la Gauche comme de la Droite. Chez les proches des Républicains, ce n’est pas tant la performance de mobilisation qui est saluée que la performance scénique qui est évoquée. Et rarement en bien. Il « beugle », les « hurlements » sont jugés « inutiles et ridicules ». En outre, dans une société qui accorde le terme de jeune à toute personne de moins de cinquante ans, la jeunesse et la fougue semblent le desservir quelque peu auprès de cette catégorie d’électeurs.
Et François Fillon ? Il s’agit peut-être de la seule personnalité dont on a parlé cette semaine à son corps défendant. Certes moins que par le passé (seulement 6% cette semaine), mais sur un sujet qui s’est imposé à lui.
Et, pour le coup, les propos spontanés des Français qui l’évoquent ont plus abordé le fond que la forme. Et surtout le thème de la Sécurité sociale : « Fillon et la Sécurité sociale, il fait déjà marche arrière. » ; « S’il a eu l’idée de privatiser la Sécurité sociale, il le fera, il a juste changé pour se faire élire. », « La nouvelle version de Fillon sur la Sécurité sociale, bonne nouvelle c’est bien de changer d’avis parfois. », « Programme Fillon ; améliore en paroles son programme !».
Les électeurs n’ayant pas l’intention de lui donner leur voix dénoncent souvent la volte-face, le « rétropédalage » ou les imprécisions tandis que ses quelques électeurs potentiels qui en parlent sont plutôt interrogatifs ou dénoncent plutôt un bruit médiatique trop important pour un projet qui n’est, selon eux pas encore abouti, ce qui leur semble plutôt normal à ce stade de la campagne.
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