« Plus rien ne sera jamais comme avant » (…) « La crise du coronavirus modifie fondamentalement
les représentations des Français à l’égard de leur environnement » (…) « Le confinement fait apparaître de nouvelles pratiques des Français ». Voici quelques remarques que chacun d’entre nous a pu entendre ou lire. Du côté d’Harris Interactive nous nous sommes, comme tout un chacun, interrogés. Les Français sont ils en train de changer en cette période ? Le coronavirus modifie-t-il les peurs ? Le confinement, les pratiques ? L’environnement mondial, les attentes ? Telles ne sont pas nos convictions. Ou, plus précisément, telles ne sont pas les indications d’opinion dont nous disposons. Nous vous présentons, ici, une thèse. En observant plusieurs champs de leur quotidien, il semble que les Français ne sont pas en train de changer fondamentalement. Cette période donne pour le moment à voir avant tout la confirmation voire l’accélération d’approches auxquelles nos compatriotes étaient sensibles avant le début de cette séquence.
Les extraits d’études que nous mettons en avant sont récents. Ils datent d’il y a un ou deux ans tout au plus. Une éternité diraient certains. Une période pré-coronavirus diraient d’autres. Et comme toute approche, celle-ci peut se nuancer. Mais à travers quelques exemples se forme une certitude : les comportements observés aujourd’hui y trouvent leurs prémices, augurant plus de prolongements de réflexes pré-existants que d’une rupture. La santé, l’évolution de la société française, le cours du monde, le regard ambivalent à l’égard de la science, le doute à l’égard du politique, l’appétence pour le numérique, la volonté de ne pas être « vissé » à son bureau, le souhait de consommer local, mieux, moins… voire de faire soi-même. Autant de pratiques ou d’opinions actuelles ou en germe depuis longtemps. Autant de pratiques ou d’opinions ayant tendance à s’accélérer dans le contexte que nous connaissons. Autant de pratiques et d’opinions que nous souhaitons partager avec vous. Bonne lecture.
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La crise du coronavirus engendre-t-elle des préoccupations et des inquiétudes nouvelles ?
- Alors que nous vivons une crise sanitaire d’ampleur inédite et que chaque individu a dû repenser en quelques jours les fondamentaux de son mode de vie (confinement, sorties réduites au minimum et marquées par la pratique des gestes « barrière » et de la distanciation sociale) il est logique de penser que jamais les préoccupations en matière de santé n’ont été aussi importantes qu’aujourd’hui. Ce phénomène, s’il est particulièrement intense et visible dans la période que nous vivons actuellement, n’est pourtant pas en soi une nouveauté, mais apparaît bien plutôt comme une exacerbation d’un état d’esprit déjà largement partagé en temps normal.Ainsi, par exemple, dans une étude réalisée à la fin de l’année 2019, 86% des Français indiquaient que leur santé constituait une préoccupation importante pour eux. Par ailleurs, placée au sein d’une liste de nombreuses thématiques, la santé et celles de ses proches apparaissait déjà comme la préoccupation n°1 des Français à l’heure actuelle (juste devant leur situation financière), une préoccupation centrale dont ils anticipaient qu’elle n’allait que se consolider dans les années à venir. Ce souci de la santé du point de vue individuel est d’autant plus intéressant qu’il fait écho à une inquiétude particulièrement d’actualité mais qui préexiste largement à la crise : la capacité du système de santé français à répondre aux besoins des individus. En 2019, près de la moitié des Français estimaient déjà qu’il fonctionnait moins bien qu’il y a 5 ans (seuls 16% pensaient qu’il fonctionnait mieux), et à peine plus de 4 Français sur 10 se déclaraient confiants en ce qui concerne son avenir.Cette crise tend également à susciter de fortes inquiétudes concernant l’évolution du monde au cours des mois à venir : 81% expriment d’ores et déjà leurs doutes sur l’avenir de la société au niveau mondial. Et il est vrai que, tant du point de vue sanitaire (avec l’expansion de la pandémie dans la plupart des pays et le risque que représente l’arrivée d’une potentielle « deuxième vague » d’épidémie), que du point de vue économique (avec l’anticipation de la pire année de récession depuis 1945) les perspectives ne sont pas réjouissantes. Mais là encore, il s’agit bien plus d’une exacerbation que d’un retournement, car le terrain préexistant était tout sauf celui d’un optimisme.
- Retournons-nous à peine plus de 3 mois en arrière : comment les Français regardaient-ils l’avenir à la fin de l’année 2019 ? Pas forcément en rose, assurément. Si 55% d’entre eux se déclaraient optimistes pour l’année 2020, ce score n’était plus que de 33% (contre 61% de pessimisme) dès lors qu’ils se projetaient à l’horizon 2030. Et un regard détaillé montrait qu’aucun domaine d’activité ou enjeu social ne suscitait l’optimisme d’une majorité de Français pour l’année à venir. Il était même largement minoritaire dans des domaines comme la croissance économique (seulement 34% d’optimistes), le chômage (32%), le système social (29%) ou les déficits publics / la dette (24%), pour lesquels les événements actuels ne laissent présager rien de meilleur. Et si l’on ajoute à cela le fait que, en septembre 2019, près de 7 Français sur 10 se déclaraient pessimistes, en ce qui concerne les enjeux écologiques, pour l’avenir de la planète…
Pour aller plus loin sur ce sujet :
▪ Etude Harris Interactive « Les préoccupations des Français en matière de protection sociale – Vague 2019 » réalisée pour AG2R La Mondiale
▪ Etude Harris Interactive « Place de la santé – Vague 2019 » réalisée pour Mutualité Française
▪ Etude Harris Interactive « Coronavirus, d’aujourd’hui au premier jour d’après » réalisée pour Les zOOms de l’Observatoire Cetelem
▪ Etude Harris Interactive « Baromètre Bilan et perspectives – Vague 11 » réalisée pour RTL
▪ Etude Harris Interactive « La France en 2030 » réalisée pour RTL
▪ Etude Harris Interactive « Les Français et l’écologie » réalisée pour M6 & RTL
Science, conscience, confiance : du bravo aux soignants à la mise en garde contre l’utilisation politique des découvertes scientifiques
- Confinés chez eux depuis plusieurs semaines, certains Français ont pris l’habitude de se retrouver à leur fenêtre, balcon ou terrasse chaque soir à vingt heures pour applaudir les personnels soignants aux prises avec l’épidémie. Ces moments de partage rejoignent les gestes de soutien spontanés observés dans le pays, notamment au travers de la création de cagnottes en soutien des hôpitaux. Ou encore des anecdotes qui fleurissent sur les réseaux sociaux mettant en scène des voisins prêts à rendre des services du quotidien (courses, ménage, etc.) à leurs voisins qu’ils savent engagés en première ligne.
- D’aucuns y voient la renaissance d’une solidarité des Français pour les blouses blanches, nous
pensons qu’il s’agit en fait davantage d’un moment pendant lequel leur travail est particulièrement mis en lumière. Et la confiance qu’ils ont toujours suscitée devient elle aussi bien plus tangible et perceptible aux yeux des observateurs et du grand public. Ainsi, avant la crise, les Français estimaient déjà que les soignants des hôpitaux étaient courageux (90%) et compétents (86%). Par ailleurs, les infirmiers et les médecins étaient déjà sur le “podium” (avec les pompiers) des professions suscitant le plus la confiance des Français (avec respectivement 88% et 84% de niveau de confiance). Et même le très médiatique médecin Michel Cymès bénéficiait d’un niveau de confiance de 59% (un niveau proche, à titre de comparaison, de celui mesuré pour le pape et… le Dalaï-lama). D’autres professions en « deuxième ligne » de la lutte contre l’épidémie (selon les propos mêmes du Président de la République) semblent aujourd’hui exceptionnellement portées aux nues, alors même qu’elles bénéficient en réalité depuis longtemps d’une image positive, qu’il s’agisse des agriculteurs, des enseignants (74% de confiance chacun) ou encore des forces de l’ordre (71%).
- Nous nous devons d’être plus nuancés en ce qui concerne la recherche fondamentale et les
scientifiques. En effet, si plus de 9 Français sur 10 (91%) indiquent faire confiance aux études
scientifiques, ils sont seulement 19% à s’en remettre totalement à leurs conclusions. Les Français, et cela est bien compréhensible, ne peuvent être des experts de tous les sujets et reconnaissent la spécificité de cette science qu’ils perçoivent certes comme utile (92%), mais également compliquée à comprendre (71%), voire inquiétante pour une minorité non négligeable d’entre eux (44%). Les scientifiques et les chercheurs travaillent donc dans un halo de confiance relatif qui, s’il ne constitue pas un vent contraire, n’est pas aussi porteur que ce que l’on pourrait penser. Et ce d’autant plus que les Français affichent une attitude de défiance vis-à-vis des experts qui prennent la parole à partir de ces études. C’est ce qui est qualifié de « crise de l’expertise ». Au point où une (courte) majorité des Français (55%) considère aujourd’hui que les études publiées en France sont orientées et ne respectent pas une certaine neutralité. Et une majorité d’entre eux font preuve de défiance lorsque les responsables politiques (72%) ou les pouvoirs publics (58%) prennent la parole à partir de ce type de dispositif. A l’inverse, le chercheur ou le médecin évoquant lui-même ses conclusions s’exprimera bien davantage dans un contexte de confiance (90%). On comprend là mieux les dynamiques d’opinion qui s’opèrent lorsqu’un chercheur du sud de la France adopte des positions opposées au discours scientifique majoritaire, qui plus est porté par les pouvoirs publics et par les dirigeants politiques.
- Que peut-on déduire de ce rapport des Français à la science, pour limiter les risques de défiance à l’égard d’une parole publique déjà questionnée sur ses prises de décisions sanitaires ? Tout d’abord, nous l’avons vu, en associant et donnant la parole aux experts légitimes (médecins et
chercheurs). Ensuite en faisant preuve de transparence et de pédagogie, en donnant un accès le plus désintermédié possible à l’information, à la donnée : elle sera le gage d’une volonté des parties prenantes de mettre à la disposition de tous les outils utiles à la compréhension de la situation dans laquelle ils se trouvent. Enfin, rendre compte régulièrement des avancées réalisées par les chercheurs, car les découvertes scientifiques sont avant tout perçues comme un signe d’espoir (91%). Un ingrédient au moins aussi important que la confiance en période de crise.
Pour aller plus loin sur ce sujet :
▪ Etude Harris Interactive « Place de la santé – Vague 2019 » réalisée pour Mutualité Française
▪ Etude Harris Interactive « La confiance des Français dans différents acteurs et personnalités » réalisée pour Le Nouveau Magazine Littéraire
▪ Etude Harris Interactive « La confiance des Français dans la science et la politique » réalisée pour Pergamon
▪ Etude Harris Interactive « La confiance des Français dans la science » réalisée pour Philip Morris International Science
Les heures les plus sombres encore à venir pour le Gouvernement ?
- En déclarant le pays « en guerre » contre le COVID-19, Emmanuel Macron a donné une solennité toute particulière à la crise sanitaire que nous traversons. S’il s’agit bien, pour l’OMS, d’un “ennemi et d’une menace pour l’humanité tout entière”, ce virus constitue également une mise à l’épreuve pour le Gouvernement français, qui doit être présent sur tous les plans de la vie sociale et arbitrer dans l’urgence, sans visibilité réelle sur l’avenir. Le risque d’approximation, d’erreur et remise en cause de la part de la population est donc maximal pour le Gouvernement, qui avant cette crise sanitaire, était déjà largement chahuté par les Français. Une situation qui interroge sur la capacité même de l’exécutif à créer l’Union nationale, et si possible pour lui, sortir la tête haute de cette période.Pour le moment, force est de constater que le Gouvernement jouit d’une aura positive et qu’il
convainc dans sa gestion immédiate. Suivie par 35,5 millions de spectateurs, l’annonce des mesures de confinement par Emmanuel Macron a suscité l’adhésion de 76% des Français. La confiance portée au chef de l’Etat a également nettement progressé au cours des dernières semaines, pour atteindre, au mois de mars, 51%, un score inégalé depuis les premiers mois de sa présidence et une augmentation de 13 points par rapport au mois de février 2020.Mais ce sursaut, réel, de soutien face à la crise ne peut pas masquer une défiance profonde de la part des Français vis-à-vis de leur exécutif. D’ores et déjà, plus d’un Français sur deux considère que le Gouvernement n’a pas été à la hauteur des événements et qu’il a tardé à prendre des mesures (51%). Un Français sur deux met déjà en doute la pertinence des mesures et de la politique menée – seuls 50% estiment que le Gouvernement prend des mesures efficaces pour mettre fin à l’épidémie, un indicateur en baisse – et interrogent la sincérité de la parole politique, 44% seulement estimant que l’exécutif est transparent sur la question de la durée du confinement. Une mise en doute dont les hésitations sur la tenue des élections sont symptomatiques : 66% des Français n’ont pas compris ce maintien des élections municipales, qu’ils étaient 77% à vouloir reporter. On note ainsi le maintien d’un doute vis-à-vis du Gouvernement et de ses décisions que les difficultés du système de santé, en crise depuis des mois, ne font que d’avantage résonner. Face à cette exposition maximum de son action et à des Français qui demeurent très critiques, il s’agira de voir si, sur le long terme, la gestion de crise réalisée par l’exécutif lui permet de remonter une pente depuis longtemps descendante ou si elle accentue le divorce avec la population.
Pour aller plus loin sur ce sujet :
▪ Etude Harris Interactive « L’Observatoire des Français confinés – Vague 3 » réalisée pour TF1-LCI
▪ Etude Harris Interactive « Le regard des Français sur l’intervention d’Emmanuel Macron et les mesures de confinement » réalisée pour RTL
▪ Etude Harris Interactive x Agence Epoka « Baromètre de confiance politique » réalisée pour LCI
Téléturfu : Travail, santé, vie sociale, l’avènement de la société à distance ?
- La transition de la société vers le tout numérique est depuis longtemps enclenchée : administration, culture, éducation, consommation, communications, aucun aspect de la vie quotidienne n’échappe – pour meilleur et le pire – à la digitalisation. Et pendant le confinement, les Français en sont sûrs, le recours aux nouvelles technologies ne va faire que se renforcer (59%). Jusqu’à remettre en cause des idées reçues persistant jusqu’alors concernant le numérique ? Peut-être pas tant que cela.
- Dans le secteur de la santé, au cœur de tous les enjeux actuels, on note une accélération particulièrement notable des tendances déjà en germe au sein de la société Française. Favorables au développement de la téléconsultation (68%) et conscients de ses effets positifs pour le système de santé, les Français se sentaient jusqu’alors mitigés à l’idée d’avoir recours à ce type de consultation (58% se déclaraient enclins à essayer), en premier lieu du fait de l’absence de contact physique et de l’impossibilité d’être ausculté par le médecin. On estime qu’avant le déclenchement de l’épidémie, moins d’1% de la population environ avait eu recours à une téléconsultation, alors qu’elles représenteraient aujourd’hui 11% des rendez-vous. Vraie opportunité pour la médecine ou solution d’urgence uniquement, la téléconsultation, dont l’idée se développe depuis quelques années dans l’esprit des Français, semble vivre actuellement son moment de vérité.
- Sur le plan de l’organisation des entreprises, la période semble également bouleverser les références et la place du numérique, en invitant massivement les Français à travailler de chez eux. Un recours au télétravail qui était de plus en plus demandé par les salariés en poste devant un ordinateur avant l’épidémie… et pas toujours forcément bien accueilli ou bien accompagné par les entreprises. A l’heure où la situation s’inverse et que ce sont désormais les entreprises qui imposent – lorsque c’est possible – le télétravail à leurs salariés, comment ceux-ci l’appréhendent-ils ? Même s’ils s’estiment dans l’ensemble bien voire très bien équipés pour télétravailler de chez eux aujourd’hui (84%), les télétravailleurs n’en demandaient peut-être pas tant. Pour la plupart, l’opportunité de travailler de chez soi représentait certes une revendication (64%), mais à condition que ce télétravail ne constitue qu’une partie du temps. Seuls 14% rêvaient d’un télétravail intégral, les autres (51%) préférant une solution mixte, entre l’entreprise et le domicile. En imposant une forme absolue de ce télétravail qu’ils désiraient, l’épidémie va-t-elle finalement faire en sorte que les salariés souhaitent, plus que par le passé, être plus présent à leur poste de travail ?
- Surtout, dans cette nouvelle vie à distance, se pose la question des relations humaines : les télécommunications sont-elles néfastes ou non à notre vie sociale, perd-on, à distance, sur clavier ou les écrans de nos smartphones, la saveur de la rencontre physique ? Si les Français craignent, en période de confinement, de manquer d’interactions sociales (les jeunes surtout) et que se retrouver en personne peut leur manquer, on constate qu’ils ont en réalité
largement effectué leur transition vers les communications à distance. Ils sont nombreux à vouloir prendre davantage de nouvelles de leurs proches qui sont confinés loin d’eux et estiment dans l’ensemble que cette période va accentuer et raffermir leurs relations à distance (49%). Ils sont nombreux à indiquer avoir déjà téléphoné ou écrit à ceux dont ils sont éloignés (plus de 80%) et sont près d’un tiers (jusqu’à 50% chez les plus jeunes), à envisager d’organiser des apéritifs, des dîners ou des fêtes à distance en vidéoconférence. Le confinement pourrait-il ainsi entériner un mode de vie à qui la vie sociale numérique convient déjà très bien ?
- Entre overdose digitale et réalisation des prédispositions en place dans le corps social, la période se présente comme un laboratoire des possibles et des limites du numérique, et invite chacun à prendre du recul sur la place de la technologie dans sa vie.
Pour aller plus loin sur ce sujet :
▪ Etude Harris Interactive « Les Français et la téléconsultation – Vague 2 » réalisée pour LIVI
▪ Etude Harris Interactive « Coronavirus, d’aujourd’hui au premier jour d’après » réalisée pour Les zOOms de l’Observatoire Cetelem
▪ Etude Harris Interactive « Les Français et le travail à distance » réalisée pour l’Observatoire Enedis
Sédentarité : comment gérer l’accentuation d’un mode de vie dont les risques étaient déjà connus ?
- En cette période de confinement, les Français ont eu l’occasion de se familiariser avec les formulations successives de la dérogation liée à une activité physique : « déplacements brefs, dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile… ». Les restrictions se sont accumulées pour un motif de déplacement moins consensuel que les autres, qui a suscité des vagues de critiques à l’encontre de citoyens se découvrant soudain une passion pour la course à pied. Pour autant, peut-on dire que la limitation des activités physiques et sportives des Français a bouleversé leurs habitudes ? Sans doute pas.▪ Bien avant que le mot « confinement » n’entre dans le langage courant, les activités de loisirs des Français – comme de leurs voisins européens – étaient déjà largement sédentaires. 59% des Français déclaraient ainsi préférer les activités “à la maison” aux activités physiques et leur loisir numéro 1 était déjà lié aux nouveaux usages numériques : naviguer sur Internet, sur les réseaux sociaux ou jouer aux jeux vidéo (63%). Le visionnage de films, séries et émissions arrivant en 3ème position (49%). Concrètement, avant même qu’une attestation ne soit nécessaire pour s’aérer, seuls 12% des Français déclaraient pratiquer chaque jour une activité physique ou sportive. Serait-ce parce que le grand public ne mesure pas pleinement les risques de santé associés à un mode de vie trop peu actif ? Les deux-tiers des Français (67%) ignorent qu’une sédentarité excessive peut simultanément causer des risques d’obésité, de maladies cardio-vasculaires, de dépression et d’anxiété, de diabète et de cancers.
Pour aller plus loin sur ce sujet :
▪ Etude Harris Interactive « Etude européenne sur la sédentarité » réalisée pour Attitude Prévention
▪ Etude Harris Interactive « Les Français et leur rapport au sport » réalisée pour Les zOOms de l’Observatoire Cetelem
Consommation, alimentation : l’occasion de sacraliser les pratiques
- La crainte d’une pénurie a d’abord révélé certains réflexes alimentaires des Français : ruée sur les rayons de pâtes, des plats préparés, etc. constatées par les magasins, bien que les Français soient près des deux tiers à indiquer ne pas avoir fait de stocks alimentaires. Mais à mesure que le confinement s’installe, les Français sont poussés à repenser leurs pratiques alimentaires, notamment en cuisinant davantage. Cette tension entre la peur de manquer et le souci de bien manger a bien sûr été accentuée par le contexte de confinement. De là à envisager la séquence actuelle comme une révolution ? Si l’alimentation occupe aujourd’hui une place particulièrement importante dans le quotidien des confinés, rappelons que cet élément n’est en rien nouveau : 90% des Français estimaient avant la crise que la nourriture occupait une place importante dans leur vie, 40% la qualifiant même de « très importante ». L’habitude de cuisiner s’avère très largement ancrée dans le quotidien des Français : 72% voient la cuisine comme un plaisir et 94% ont l’habitude de se cuisiner des repas au moins une fois par semaine. Dans le contexte actuel, nul doute que certains y voient davantage une opportunité qu’une contrainte. Cette tendance à « faire maison », en profitant du surcroit de temps passé à domicile pendant la période s’inscrit également dans un contexte de profond de remise en cause de la consommation et ses excès, les Français se sentant depuis longtemps engagés dans un processus de responsabilisation de leurs achats. 75% d’entre eux estiment aujourd’hui consommer de manière responsable (c’est-à-dire recycler, faire maison, acheter Made in France, consommer moins mais mieux, en circuits courts, etc.). Une transition qui est pour eux nécessaire mais pas si facile (40% rencontrent des difficultés à consommer responsable), et pour laquelle les Français sont dans une dynamique de progrès : 73% considérant déjà avant la crise, qu’ils consommeraient de manière plus responsable dans 3 ans. L’épisode de confinement pourrait ainsi inscrire et sacraliser des comportements en germe chez les Français qui cherchent depuis longtemps à manger et vivre mieux, de manière plus connectée avec le local et un rapport plus conscient avec leurs produits… quitte à les fabriquer eux-mêmes. 20% déclarent déjà avoir profité du confinement pour fabriquer leurs propres produits d’hygiène, et 23% avoir fait des travaux de couture ou de création de bijoux.Le confinement pourrait ainsi se révéler non pas comme une période de bouleversement qui percute le quotidien des Français pour les forcer à s’interroger sur leur consommation et leur mode de vie, mais plutôt une période qui les invite à réaliser pleinement ce vers quoi ils tendent depuis longtemps, du moins, dans leurs déclarations.
Pour aller plus loin sur ce sujet :
▪ Etude Harris Interactive « Responsabilité et éthique dans la consommation » réalisée pour Les zOOms de l’Observatoire Cetelem
▪ Etude Harris Interactive « Responsabilité et pouvoir d’achat, des enjeux contradictoires » réalisée pour Les zOOms de l’Observatoire Cetelem
▪ Etude Harris Interactive « Coronavirus, d’aujourd’hui au premier jour d’après » réalisée pour Les zOOms de l’Observatoire Cetelem
▪ Etude Harris Interactive « Les Français, le bricolage et le DIY pendant le confinement » réalisée pour Mano Mano
▪ Etude Harris Interactive « La place de l’alimentation dans la vie des Français » réalisée pour Les zOOms de l’Observatoire Cetelem
En conclusion…
La période est ainsi propice à des évolutions qui nous apparaissent moins comme des changements en réaction à la crise sanitaire que comme des évolutions profondes des mentalités, des comportements et du rapport au monde amorcés au cours des dernières années. Nous avons identifié quelques tendances et nous venons d’en faire part. Reste que le maintien de la trajectoire dessinée et l’inscription de ces tendances dans le temps dépendront également – et fortement – de la réalité notamment économique qui se prépare dans les mois à venir. Voire d’une double réalité économique : individuelle et collective. Individuelle, en ceci que le pouvoir d’achat influe sur les opinions et choix comportementaux et peut infléchir, face à la nécessité, des valeurs ou des habitudes qui semblaient vouloir s’ancrer. Collective, tant on voit en France que la dynamique et les perspectives communes jouent sur le moral et donc les comportements. La crise du coronavirus, aux facettes multiples (sanitaire, économique voire sociale), conduira-t-elle à l’avenir à une remise en cause, à une modification des grandes trajectoires dessinées en matière de consommation depuis quelques années (préoccupations en matière de santé, attentes d’actions en faveur de l’environnement, volonté de consommer local, utilisation du digital…) ? Les données recueillies aujourd’hui nous indiquent plutôt qu’elles devraient perdurer. Voire même s’accentuer au cours des prochains mois.
Avec un point de vigilance majeur à l’esprit : les préoccupations en matière de pouvoir d’achat. ,Celles-ci étaient présentes bien avant le confinement, bien avant la chute du PIB et seront toujours là après le confinement. Un aspect que nous surveillerons particulièrement, tant il est susceptible à terme de peser sur les attitudes et les comportements des Français. Nous y consacrerons l’une de nos prochaines analyses.
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