Chaque semaine Harris Interactive interroge un échantillon de plus de 2000 Français. En leur posant une question simple et tout à fait ouverte : « Qu’avez-vous retenu de la campagne présidentielle cette semaine ? ». Sans rien suggérer. Sans rien proposer. En laissant les personnes que nous interrogeons libres de nous dire et ce qu’elles ont entendu de la campagne présidentielle et ce qu’elles en ont retenu. Vu que l’on peut considérer qu’une élection se gagne déjà par une « hégémonie idéologique et culturelle » (pour paraphraser Gramsci), regardons la manière dont les électeurs parlent de la campagne.
Pour dégager l’essentiel de cette matière riche et spontanée, les réponses sont analysées par Proxem (https://www.proxem.com), pionnier de l’analyse sémantique de données textuelles. Chaque semaine, Proxem y détecte les personnalités et mouvements politiques, les thématiques et événements majeurs, de manière à pouvoir en mesurer la fréquence. Semaine après semaine se dégagent ainsi les grandes tendances de la campagne et les événements singuliers qui ont marqué l’actualité.
Chaque semaine, nous délivrerons ce qui nous a marqué.
Les résultats du premier tour sont, sans surprise, spontanément évoqué en ces termes par 24% des personnes interrogées. Les électeurs d’Emmanuel Macron pour le second tour de l’élection présidentielle les mentionnent à 30%. En comparaison les électeurs de Marine Le Pen au second tour n’y font référence qu’à 23%. Les deux candidats qualifiés pour le second tour de l’élection présidentielle sont donc les personnalités les plus citées. Emmanuel Macron est la personnalité la plus citée à 21% cette semaine. La mention du candidat d’En Marche augmente de 11 points, depuis la semaine dernière. Suit Marine Le Pen qui est mentionnée à 17%, soit une augmentation de 9 points par rapport à la semaine précédente. Notons que les deux finalistes n’étaient pas les personnalités les plus citées la semaine précédant le premier tour. François Fillon et Jean-Luc Mélenchon sont tous deux cités à 11%. Benoît Hamon reste le candidat dont on parle le moins, à 3% comme la semaine dernière. Nicolas Dupont-Aignan et Philippe Poutou, les deux candidats se situant après Benoît Hamon, sont tous eux mentionné à 1%, soit à deux points d’écarts avec le candidat du PS. Tout se passe comme si la présence du FN au deuxième tour était un « non-événement » en tout cas moins que celle d’Emmanuel Macron.
Les personnes interrogées ne semblent pas surprises du résultat que les sondages pré-électoraux avaient laissé présager et ce quel que soit leur bord politique :
« Attendu. » ; « Prévisible. » ; « Bravo les sondeurs qui ont vu juste. » ; « Résultat sans surprise à la vue des sondages, la vraie surprise c’est que Macron distance Le Pen de près de 3 points. » (Electeurs d’Emmanuel Macron au premier et second tour). « Cela ne m’étonne pas. » (Electeur de Benoît Hamon reportant son vote pour Emmanuel Macron). « C’était attendu. » (Electeur de François Fillon déclarant voter pour Emmanuel Macron au second tour). « On s’y attendait. » (Electeur de François Fillon déclarant voter blanc au second tour). « Aucune surprise, je m’y attendais ! » (Electeur de Jean-Luc Mélenchon exprimant voter pour Emmanuel Macron au second tour).
« Attendu » ; « Pas de surprise. » (Electeur de Marine Le Pen au premier et second tour).
La Rotonde, le nouveau Fouquet’s ?
Les électeurs d’Emmanuel Macron dès le premier tour commentent la victoire dont ils se réjouissent :
« Ravie et pleine d’espoir. » ; « Joie et espoir de voir aboutir de vraies réformes. » ; « Bravo ça fait plaisir. » ; « Du nouveau dans le paysage politique, c’est bien. »
Cependant les personnes interrogées de tous bords politiques, même parmi ses électeurs émettent des critiques quant à la soirée d’Emmanuel Macron à la Rotonde, comparant l’évènement au Fouquet’s de Nicolas Sarkozy :
« Fouquet’s repetita. » ; « Une erreur grave de laisser penser qu’il croit que c’est déjà gagné. Un peu plus de gravité et de modestie aurait été bienvenues. » ; « Sarkozy bis. » (Electeurs d’Emmanuel Macron). « Bonne comparaison Sarkozy et Macron se ressemblent plus qu’ils veulent nous le dire. » (Electeur de Jean-Luc Mélenchon se reportant sur Emmanuel Macron). « Il est atteint de ‘Sarkosite’ aiguë. » (Electeur de François Fillon souhaitant voter pour Emmanuel Macron au deuxième tour). « L’arrivée en tête de Macron et sa sortie à l’américaine. L’équipe de Macron semble oublier qu’il y a 2 tours et on se croyait lors de la victoire de Chirac en 1995. » (Personne ayant voté pour Benoît Hamon et souhaitant voter pour Emmanuel Macron au deuxième tour). « On avait l’impression qu’il avait gagné les élections un comportement stupide et bien prétentieux à mon avis j’ai pas aimé, il m’a déçu je ne pensais pas qu’il était ainsi à suivre. » (Electeur de Jean-Luc Mélenchon souhiatant voter blanc) ; « Si la soirée au Fouquet’s m’a dérangé tout en étant un électeur de Sarkozy en 2012, j’ai trouvé la manifestation la Rotonde un peu prématurée car il y a encore un tour. » (Electeurs de François Fillon souhaitant voter blanc)
Au-delà des critiques sur le style d’Emmanuel Macron certains de ses électeurs dès le premier tour expriment une incertitude, voire une déception :
« Par défaut. » « J’ai halluciné et j’ai regretté d’avoir voté pour lui car je l’ai trouvé arrogant avec ce grand discours sorte de meeting, d’ailleurs j’ai zappé. Ensuite de le voir fanfaronner avec sa cour au restaurant ! Résultat… cette arrogance va me faire revoir mon vote pour le deuxième tour et je me dis qu’on va en baver pendant 5 ans avec lui. J’attends les législatives avec impatience pour qu’il n’ait pas de majorité ! »
Le candidat arrivant en tête du premier tour de l’élection présidentielle est mentionné spontanément par 25% des électeurs souhaitant voter pour lui au second tour. Toutefois, les personnes interrogées exprimant ce report de voix évoquent ce vote avec peu de conviction :
« Pas le choix mais pas contente. » ; « Dégoûtée, vraiment déçue, obligée de voter par défaut. » ; « Un second tour forcé ! La peste ou le choléra. » ; « Quel soulagement en voyant les résultats, j’avais peur du duo Fillon/ Le Pen. » (Personnes ayant voté pour Jean-Luc Mélenchon et souhaitant voter pour Emmanuel Macon). « J’espère quand même qu’il sera élu même si je le déteste. » ; « Il va falloir le soutenir malgré nous. » ; « Pourquoi n’a-t-on pas parlé de ses casseroles ? » ; « Très heureux que ces républicains s’unissent pour faire barrage au Front National. » (Electeur de François Fillon souhaitant voter pour Emmanuel Macron). « Combattre le fascisme. » ; « Je trouve cela dommage, que ce soit ce candidat au second tour aussi ! » ; « Un peu déçu. » (Electeur de Benoît Hamon se tournant vers Emmanuel Macron au second tour).
Le candidat d’En Marche est cité par 27% des personnes déclarant voter Marine Le Pen au second tour, soit davantage que les personnes déclarant voter pour lui au second tour. Il est également évoqué par les personnes souhaitant voter blanc nul ou s’abstenir (21%).
Marine Le Pen : le Poulidor ?
Marine Le Pen est mentionnée par ses électeurs de premier tour à 22%. Les électeurs d’Emmanuel Macron pour le second tour la citent à 20%. Les personnes interrogées souhaitant voter blanc, nul ou s’abstenir l’évoquent moins souvent (16%).
Les électeurs de Marine Le Pen pour le second tour expriment une satisfaction à la voir qualifiée :
« Il nous faut un président comme elle. » ; « Espoir de victoire. » (Electeurs de Marine Le Pen). « Combattante ! Rassembleuse. » (Electeur de François Fillon reportant son vote pour Marine Le Pen).
Ils se montrent critiques à l’égard des appels « à faire barrage » à leur candidate :
« Les appels à voter contre Marine Le Pen : ridicule. » ; « Les personnes que l’on rallie en dehors de son parti ne sont pas fiables. » ; « Doit se battre pour le 2ème tour face aux consignes de vote contre elle et quelque part anti-démocratique. » ; « Le rassemblement gauche et droite contre Marine Le Pen. Contre nature, la gauche et la droite se rassemblant, alors qu’ils se battaient comme des chiens avant le premier tour … » ; « Que de critiques, et aucune remise en cause, et ils jugent les 22% qui ont votés pour Marine. » ; « L’acharnement des candidats qui n’ont pas été élus au 1er tour à appeler à voter pour Emmanuel Macron. »
Certains expriment aussi une déception et doutent de sa victoire, notamment à cause des médias et des propos de Jean-Marie Le Pen :
« Dommage qu’elle ait un peu raté sa campagne je crois beaucoup en elle mais les médias la diabolisent tellement qu’elle aura du mal à arriver au pouvoir, dommage, il nous fallait quelqu’un avec des idées nouvelles. » ; « Le Poulidor de la politique, elle paye les écarts de langage de son père encore. » ; « Beaucoup de personnes ont peur qu’elle soit présidente à cause de la mauvaise image de son père. Mais je pense qu’elle fera changer les choses et bousculera la France comme il le faut. »
Quelques électeurs de Jean-Luc Mélenchon se déclarent hésitants à se tourner vers Marine Le Pen pour le second tour de l’élection présidentielle :
« Le Pen ; Je réfléchis » ; « Marine le Pen : risque d’être élue c’est mieux que Macron déjà. » (Electeur de Jean-Luc Mélenchon reportant son vote pour Marine Le Pen).
La tonalité des verbatim mentionnant la candidate du Front Nationale Marine Le Pen par des électeurs exprimant une intention de voter pour Emmanuel Macron au second tour est négative :
Vote Emmanuel Macron aux deux tours :
« Insondable roublarde malsaine. » ; « Le Pen au deuxième tour, candidate banalisée. » ; « Jamais si haut. » ; « La France de la haine. » ; « Un programme haineux et un isolement pour notre pays. » (Personne votant Emmanuel Macron aux deux tours). « En colère. » ; « Je suis scandalisée. » (Electeur de Jean-Luc Mélenchon souhaitant voter pour Emmanuel Macron). « Inquiétude » ; « Les anti Le Pen : solidaire avec eux. » ; « Oust » (Personne ayant voté pour François Fillon puis se tournant vers Emmanuel Macron). « Extrême droite au second tour. » ; « Combattre le fascisme. » ; « Cela fait peur ! C’est dramatique ! » (Electeur de Benoît Hamon exprimant voter pour Emmanuel Macron).
Les électeurs de François Fillon et Jean-Luc Mélenchon face à un dilemme : « La peste ou le choléra »
François Fillon est citée spontanément par 15% des électeurs de second tour d’Emmanuel Macron et par 12% de ceux de Marine Le Pen.
Les thématiques des verbatim sont communes aux électeurs de François Fillon au-delà des reports de voix pour Emmanuel Macron, Marine Le Pen, ou le vote blanc ou nul et l’abstention. Les électeurs de François Fillon sont tout d’abord « très très déçu ». Ils désignent les médias comme responsables de la défaite de leur candidat :
« Je m’y attendais vu que Fillon a été tellement sali par les médias. » (Electeur de François Fillon déclarant voter Marine Le Pen au second tour). « Injuste, manipulation médiatique et juridique. » ; « Défaite prévisible étant donné le complot fait contre lui par la gauche. » (Electeur de Fillon).
Mais aussi le candidat issu de la primaire de la droite et du centre :
« Fillon qui a mené LR dans les choux ; l’orgueil et une trop haute opinion de soi-même emmènent la France dans 5 ans de galère financière. » ; « Il l’a bien cherché. » ; « Responsable. » (Electeur de Fillon)
L’ensemble des personnes interrogées imputent la défaite du parti Les Républicains à François Fillon :
« La situation aurait pu être tout autre si Fillon avait fait preuve de moins d’obstination. » (Electeur d’Emmanuel Macron). « Les urnes ont parlé, débandade totale au sein de son parti… » (Electeur de Jean-Luc Mélenchon). « Entêtement de Fillon qui a fait perdre la droite. » (Electeur de Marine Le Pen).
Les électeurs de François Fillon au premier tour commentent peu leur report de voix. Ils se disent insatisfaits du résultat du premier tour de l’élection présidentielle :
« La France est sur un mauvais chemin si l’un ou l’autre candidat est élu. » ; « La peste ou le choléra. »
Ceux exprimant un report de voix vers le vote blanc/nul ou l’abstention critiquent ce résultat et les soutiens d’élus Les Républicains :
« Les rats ont quitté leur navire respectif et vont chercher pitance chez le possible Président. Méprisable ! » ; « Les recommandations de vote Macron pour le deuxième tour. Navrant. Tous à la gamelle ! » ; « Les Français oubliés. Ils voteront Le Pen au deuxième tour et nous ne pourrons pas leur en vouloir car ils sont dans une détresse que Macron ne peut comprendre il est le candidat des élites, de la mondialisation, de l’Europe, qu’ils détestent et dont ils souffrent. »
Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, est mentionné à 17% par des futurs électeurs d’Emmanuel Macron et à 12% par les Français souhaitant voter blanc, nul ou s’abstenir. Il est mentionné par les électeurs de Marine Le Pen à 8%.
Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon se disent déçus du résultat de leur candidat, qu’ils espéraient plus haut :
« Bonne place de Monsieur Mélenchon. Dommage qu’il n’ait pas été plus entendu. » ; « Mélenchon éliminé. J’espérais qu’il soit avant Le Pen. » (Electeur de Jean-Luc Mélenchon). « Dégoûtée, vraiment déçu, obligé de voter par défaut. » (Electeur de Jean-Luc Mélenchon souhaitant voter pour Emmanuel Macron).
Mais ils mettent aussi en avant la progression du candidat et son score qu’ils jugent bon :
« Mélenchon m’a donné envie de l’écouter. » ; « Un très bon score. Il y était presque, une belle réussite. » ; « Très belle remontée. ».
Les personnes interrogées se disent perplexes, déçues du silence du candidat de la France Insoumise quant aux consignes de vote :
« Surprise. » ; « Pitoyable. » (Electeur de Jean-Luc Mélenchon)
« La mauvaise foi de Mélenchon ; Contesté les estimations à 23h et ne pas donner de consignes de vote alors que par le passé il appelait à voter contre Le Pen pour Chirac même avec une pince à linge et des gants… » (Electeur de Benoît Hamon reportant son vote pour Emmanuel Macron). « Le refus de Mélenchon d’accepter sa défaite, mauvais joueur ! » (Electeur d’Emmanuel Macron)
Cependant ses électeurs disent comprendre ce silence :
« Le silence de Jean-Luc Mélenchon sur les “consignes” de vote ; c’est bien de vouloir consulter sa base mais son message n’a pas été assez clair. » ; « Pas de consigne pour Mélenchon. Logique puisqu’il combat les idées des deux candidats. ».
Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon souhaitant voter blanc au second tour de la présidentielle critiquent le candidat d’En Marche :
« Ralliement global à Macron : tous des vendus » ; « Les médias sont donc très efficaces pour influencer la masse des gens. » ; « On s’attendais à un autre discours de sa part il est resté dans le flou comme pour son programme. » ; « La finance revient au pouvoir, le changement, ce n’est pas pour maintenant. »
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