Retour sur l’élection interne à l’UMP

70%, 26%, 4%. Si l’on reprend la dernière enquête réalisée par Harris Interactive pour LCP sur l’élection à la présidence du parti, 70% des sympathisants UMP s’exprimant en faveur d’un candidat souhaitaient que Nicolas Sarkozy prenne la tête de la formation politique principale de Droite. 26%, Bruno Le Maire et 4% Hervé Mariton. On parle souvent d’une forme de déconnexion entre militants et sympathisants. En l’espèce, tel n’a pas été le cas. Si l’on considère que les adhérents (difficilement « sondables ») se rapprochent, tant dans leurs comportements qu’au niveau de leurs opinions, des sympathisants il est possible de tirer quelques enseignements de ce scrutin.

1. Nicolas Sarkozy, vainqueur attendu et souhaité

Ce qui apparaît comme une évidence a posteriori n’en est pas une. Nicolas Sarkozy aurait pu être perçu comme un responsable politique ayant accumulé les défaites (municipales 2008, régionales 2010, cantonales 2011, présidentielle 2012), échoué dans l’atteinte d’objectifs qu’il s’était lui-même fixés (taux de chômage, dette de la France, score du FN à la présidentielle de 2012…), mis en difficulté financière sa formation politique (suite au non remboursement de ses frais de campagne,…) et étant cité dans de nombreuses affaires. Il n’en est rien.

A la veille du scrutin, 57% des sympathisants UMP au global, 70% de ceux exprimant une préférence, souhaitaient qu’il prenne la direction de cette formation politique. Ils le souhaitaient et… pronostiquaient sa victoire (86%)1.
D’ailleurs sa campagne, toujours lorsque l’on regarde le cœur de l’électorat UMP, était apparue, si ce n’est formidable, à tout le moins réussie pour 61% des proches de ce mouvement politique. Et ce alors même que sa prise de position devant les militants de « Sens Commun » concernant la loi sur le mariage et l’adoption par les personnes de même sexe avait suscité de nombreux débats.

2. Nicolas Sarkozy, dépositaire d’une confiance dont la structure repose essentiellement sur sa personne

Nicolas Sarkozy, auprès de la frange des sympathisants de la principale formation de Droite, bénéficie d’une aura importante. Observons, déjà, la confiance exprimée à son égard. 76% des sympathisants de l’UMP affirment la lui accorder. Regardons ce qui participe à la structurer. En premier lieu, non pas la perception de son orientation politique, mais surtout des traits de sa personnalité : il apparaît « dynamique » (97%), sachant faire « preuve d’autorité » (96%) et « courageux » (96%). Remarquons que sa propension à porter de « bonnes idées pour la France » (90%), sa capacité à « réformer le pays dans le bon sens » (82%), sa « crédibilité » (77%) sont moins mises en avant, même si plus de 3 personnes sur 4 répondent positivement. L’ancien Président de la République bénéficie donc de traits d’image en premier lieu structurés autour de ce qu’il est plus que de ce qu’il propose. Le caractère personnel plus que politique. Alors même que sa probité est remise en cause dans un certain nombre de médias, « l’honnêteté » le caractérise certes moins que par le passé (- 16 points en 5 mois)2 mais constitue un qualificatif qui lui est accolé par près de deux sympathisants sur trois (65%). Au final, cette structure d’image est assez ancienne et ne reflète pas un véritable changement de perception de la part de son cœur électoral.
A tel point que si l’on compare les résultats d’une enquête réalisée en janvier 2012 et celle plus récente de novembre 2014 observons que, mis à part lorsqu’il est question d’honnêteté et de crédibilité, Nicolas Sarkozy voit les attributs le qualifiant peu évoluer. Ces sympathisants UMP sont même confortés en ce qui concerne les points les plus positifs du Président de l’époque : + 4 lorsqu’il s’agit du dynamisme (97%), + 5 concernant le courage (96%), + 1 pour la compétence (93%), 3 points de plus considèrent qu’il « sait où il va » (86%).

En janvier 2012, il était crédité de 23% des intentions de vote pour le premier tour. 45% au second. Mais avec un regard moins clivant au sein de la Droite.

3. Nicolas Sarkozy, une personnalité politique baissant régulièrement au cours de la période récente dans les sondages

Reste que si l’objectif a été atteint (prendre la tête de l’UMP), et que si les données d’enquêtes sont relativement flatteuses, les jugements portés à l’égard de l’actuel président de l’UMP sont moins laudatifs que ceux relevés il y a de cela quelques mois. Il a perdu, en un semestre, 16 points de confiance chez les sympathisants de la formation politique dont il a désormais la responsabilité ; les qualificatifs sont moins unanimes qu’en juillet dernier (-9 point concernant la certitude qu’il « sait où il va », ainsi qu’en sa capacité à « tenir ses engagements », -11 sur sa possibilité aussi bien à « réformer le pays » que sur sa « crédibilité » voire son « caractère rassurant », -14 sur la « sympathie », – 15 concernant l’aspect essentiel de « bien comprendre les préoccupations des Français »).

Nous verrons si le vote de ce week-end et sa victoire lui permettront « d’inverser la courbe ».

4. Nicolas Sarkozy, ou le responsable politique au centre… du débat

L’ancien président de la République a souvent su « faire » l’agenda. C’est ainsi assez flagrant de voir que lorsque l’on invite les Français comme les sympathisants UMP à nous indiquer, le plus spontanément possible ce que leur évoque le fait que cette formation se dote d’un nouveau Président, un mot ressort : « Sarkozy ». 10% des citations spontanées chez les Français, un peu plus chez les sympathisants UMP, le vainqueur a été au centre du débat.

Que ce soit en positif : « Campagne intéressante surtout depuis le retour de Sarkozy qui amène du piment. », « C’est un peu un cafouillage dans l’UMP il faut que Sarkozy y remette de l’ordre », « C’est une guerre où chacun tire dans les pattes de l’autre, mais quelque soit le bord (gauche ou droite) c’est la même chose. Nicolas Sarkozy est attaqué de toutes parts pour être décrédité, cela est intolérable »

Comme en négatif « Déception. Je ne sais plus que penser même Sarkozy dérape. C’est dire ! », « Intéressante mais tirée par le bas par la présence de Sarkozy. Dans l’ensemble les candidats manquent d’envergure même si, intrinsèquement, Le Maire est le plus compétent (pas forcément d’ailleurs pour diriger un parti) », « Omniprésence de Sarkozy dans les medias, absence des 2 autres candidats dans les médias. Il n’a pas changé d’un iota depuis 2012 »

5. Nicolas Sarkozy, une personnalité politique clivante. Même à Droite

Cela a été dit en de multiples reprises, Nicolas Sarkozy clive. Avec la Gauche, on le sait depuis longtemps. En revanche, et on l’a vu nettement depuis septembre, dès que l’on élargit la focale, et que l’on ne se concentre pas sur son cœur électoral mais que l’on regarde l’ensemble des Français proches de la Droite, l’ancien Président de la République se voit opposer d’autres responsables politiques. Bruno Le Maire dans le cadre de la compétition récente (les sympathisants de Droite souhaitant dans des proportions identiques la victoire de l’un comme de l’autre), Alain Juppé dans le cadre des primaires ouvertes. Et sa campagne, qui avait été jugée bonne par plus de 6 sympathisants sur 10, n’est jugée comme tel que par 21% des proches de l’UDI et 10% de ceux du MoDem. Il en va de même pour ses traits d’image. On voit ici poindre les enjeux d’opinion.

6. Bruno Le Maire, personnalité (trop ?) consensuelle

Autant il est aisé de différencier le jugement d’un sympathisant UMP de celui d’un proche du Centre ou de la Droite lorsque l’on évoque Nicolas Sarkozy, autant cet exercice se révèle plus difficile lorsque l’on se penche sur Bruno Le Maire. Le challenger du nouveau président de l’UMP bénéficie d’une image positive et assez étale auprès de l’ensemble de ce corps électoral.

Qui plus est, le député de l’Eure a vu la confiance exprimée par les sympathisants UMP croître de 7 points au cours de ces 6 derniers mois et se trouve être, bien plus que par le passé, identifié. Il est frappant, alors même que nous n’invitions pas les personnes interrogées à le positionner face à Nicolas Sarkozy de voir quelques traits d’image en négatif : Bruno Le Maire est avant tout qualifié de « sympathique », « courageux », « honnête ». Et on lui dénie – peut-être à tort – sa capacité à savoir « faire preuve d’autorité ». Presque paradoxalement, pour Bruno Le Maire, un des risques d’opinion se situe ainsi au sein de l’UMP et moins en dehors de celle-ci.
Jean-Daniel Lévy – Directeur du département Politique-Opinion d’Harris Interactive

1Etude Harris Interactive pour LCP réalisée en ligne du 19 au 21 novembre 2014. Echantillon de 1 521 personnes représentatif de la population française âgée d’au moins 18 ans, à partir de l’access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région d’habitation de l’interviewé(e).
2Baromètre Harris Interactive/Délits d’Opinion. Dernière vague réalisée en ligne du 18 au 20 novembre 2014. Echantillon de 1005 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, à partir de l’access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).

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