L’influence d’un pays dans le monde peut se mesurer au travers de multiples indicateurs : son poids économique, son rôle dans les organisations et traités internationaux, ses prises de position sur certains dossiers-clés, etc. À l’approche de l’élection présidentielle de 2017, et alors que la politique étrangère constitue justement une compétence particulière du chef de l’État, l’Institut Choiseul a confié à Harris Interactive le soin d’interroger un échantillon de Français sur leur perception des relations internationales de la France.
Traditionnellement, la France reste identifiée comme l’une des « grandes puissances » du monde occidental depuis le lendemain de la seconde guerre mondiale, malgré un rôle économique en déclin par rapport à d’autres puissances émergentes.
Mais comment les Français perçoivent-ils cette place de la France ? La jugent-ils plus ou moins écoutée qu’il y a quelques années ? Quelles sont selon les Français les priorités de la France dans le monde ? Comment envisagent-ils son positionnement vis-à-vis de l’OTAN, de l’Union européenne ou encore de la Russie ?
60% des Français estiment que la situation de la France dans le monde a changé par rapport à celle d’il y a 10 ans : 51% indiquent que la France est moins écoutée sur la scène internationale, quand 9% précisent qu’elle est plus écoutée.
39% observent un statut quo depuis 10 ans. Les plus pessimistes quant à cette situation sont les hommes (58% pensent que la France est moins écoutée, contre 51% en moyenne), les personnes âgées de 50 ans et plus (57%), les membres des catégories supérieures (56%) et les sympathisants de la Droite et du Centre (68%). A l’inverse, les 25-34 ans (18% « plus écoutée ») et les sympathisants de Gauche (17%) sont légèrement plus nombreux que la moyenne des Français (9%) à estimer que la France est davantage écoutée aujourd’hui.
54% des Français adhèrent à l’idée que « la France doit invoquer systématiquement la défense des droits de l’Homme même si cela va à l’encontre de ses intérêts économiques ». Ce sentiment est davantage partagé par les femmes (58%), les CSP+ (59%) et très majoritairement par les sympathisants de Gauche (75%). 45% des Français estiment au contraire que « la France ne doit pas invoquer systématiquement la défense des droits de l’Homme car cela peut parfois aller à l’encontre de ses intérêts économiques ». Un avis exprimé davantage par les hommes (50%), les personnes âgées de 65 ans et plus (52%) et les sympathisants de la Droite et du Centre (57%).
De façon générale, 63% des Français (69% des 25-34 ans et 71% des sympathisants PS) estiment que « les départements et territoires d’outre-mer doivent rester pleinement français. » 37% pensent au contraire qu’il « faut donner leur indépendance aux départements et territoires d’outre-mer ».
Récemment, des entreprises comme Alstom, Lafarge ou encore Arcelor ont bénéficié de financements de la part d’investisseurs étrangers. Une fois sensibilisés à cette dynamique, les Français plaident davantage pour une intervention de l’Etat permettant à la France de conserver des minorités de blocage dans les cas de rachats par des investisseurs étrangers.
79% estiment en effet que « L’État doit protéger [les] acteurs stratégiques (Airbus, Orange, Renault, EDF, DCNS etc.) en conservant ou en achetant des minorités de blocage. » Les sympathisants de Gauche (89%) et les personnes âgées de 50 ans et plus (82%) sont plus nombreuses à partager cet avis. 21% des Français pensent néanmoins que « L’État doit laisser le libre jeu du marché décider des acquisitions de nos entreprises par les investisseurs internationaux. »
Marqués par la série d’attentats commis en France depuis janvier 2015, 65% des Français estiment que « les mesures adoptées par la France pour lutter contre le terrorisme islamiste » sont insuffisantes, 31% indiquant même que ces mesures ne sont « pas du tout suffisantes ». Cette inquiétude est très largement partagée par les sympathisants de la Droite et du Centre (73%) et davantage encore parmi ceux du Front National (92%). Plus d’un tiers des Français (35%) mentionnent à l’inverse que ces mesures sont suffisantes, ce sentiment est plus répandu auprès des hommes (38%), des CSP+ (40%) et des sympathisants de Gauche (66%).
Depuis plusieurs mois, l’actualité principale de l’Union européenne est liée au choix des Britanniques, par referendum, de quitter la communauté européenne (Brexit). Pour autant, sur des aspects de sécurité et de puissance, l’Union européenne (UE) reste perçue pour la France comme un élément positif. 61% des Français estiment que l’appartenance de la France à l’Union européenne est « un élément de sécurité pour la France » (dont 22% de « oui, tout à fait »). Néanmoins 38% ne sont pas d’accord avec cette affirmation.
59% des Français indiquent que l’Union européenne est « un facteur de puissance pour la France » contre 40% qui pensent le contraire. Dans le détail, les personnes associant le plus de conséquences positives à l’Union européenne sur la sécurité et la puissance de la France sont les sympathisants de Gauche et les personnes indiquant être favorables au maintien de la France dans l’UE
Si, à l’image du référendum organisé au Royaume-Uni, les Français avaient un choix à faire concernant le maintien ou le retrait de la France de l’UE, 63% déclarent qu’ils seraient favorables à son maintien (dont 33% de « tout à fait favorables »).
Plus d’un tiers des Français (36%) déclarent néanmoins qu’ils y seraient opposés (dont 15% de « tout à fait opposés »). Si les sympathisants de Gauche se montreraient davantage favorables au maintien de la France dans l’UE (77%, contre 63% en moyenne), les sympathisants FN y seraient très majoritairement opposés (64%, contre 36% en moyenne).
Des distinctions s’opèrent également entre différentes catégories de population comme les catégories socio-professionnelles : les CSP+ sont davantage favorables au maintien (71% contre 63% en moyenne), les CSP- au retrait (43% contre 36% en moyenne). Notons enfin que le souhait que la France reste dans l’UE est nettement plus prononcé de la part des Franciliens que des habitants des autres régions françaises.
Le dimanche 30 août, la France a officiellement signifié à la Commission européenne son choix d’interrompre les négociations du « TAFTA », un traité de libéralisation des échanges destiné à créer un grand marché unique réunissant les Etats-Unis et les pays européens.
Aujourd’hui, les Français n’identifient pas ce traité comme « une source de création d’emplois en Europe » (62% de non), même si 36% le pensent. Les plus optimistes concernant les éventuels effets positifs sur l’emploi du TAFTA sont les femmes (44%), les plus jeunes (62%) et les CSP- (44%).
Les Français identifient en effet davantage le TAFTA comme « un facteur de renforcement de la domination économique des Etats-Unis en Europe », 74% le pensent contre 25% qui émettent un jugement contraire. Sur cette question également, les hommes, les personnes âgées de 50 ans et plus et les CSP+ se montrent plus critiques à l’égard du TAFTA. Rappelons que cette enquête a été réalisée avant la signature du « CETA », traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, signé le 30 octobre 2016.
Concernant l’OTAN, les Français estiment majoritairement que la France doit rester dans l’OTAN ; 46% indiquent que « la France devrait chercher à renforcer son poids et son influence » au sein de cette organisation et 29% préfèrent qu’on ne « change rien à la situation actuelle ».
25% estiment néanmoins que « la France devrait quitter l’OTAN pour retrouver une indépendance nationale, notamment par rapport aux Etats-Unis ». Les plus favorables à son retrait étant les hommes (30%), les sympathisants FN (37%) et ceux qui se déclarent opposés au maintien de la France dans l’UE (32%).
83% des Français préfèrent « que la France conserve son siège et le droit de véto qui l’accompagne au sein du Conseil de sécurité de l’ONU », 16% privilégient au contraire le fait « que la France cède son siège […] à l’Union européenne ».
Invités à désigner un partenaire diplomatique prioritaire, les Français ne désignent pas un pays de façon nette, même si leurs réponses font écho au « couple franco-allemand » traditionnellement évoqué à l’échelle européenne. Ils estiment que sur le plan diplomatique, la France devrait se rapprocher davantage de l’Allemagne (29%) et dans une moindre mesure de la Russie (18%) et des États-Unis (17%).
21% mentionnent néanmoins que la France ne devrait se rapprocher d’aucun des pays proposés (Allemagne, Russie, Etats-Unis, Chine, Royaume-Uni). Soulignons qu’un rapprochement avec l’Allemagne est davantage attendu à la fois par les sympathisants de Gauche (38%) et ceux de la Droite ou du Centre (37%) – par opposition aux proches du Front National et aux personnes ne se reconnaissant dans aucune formation politique.
61% des Français approuvent la décision de l’Etat français concernant les sanctions prises à l’égard de la Russie à cause de l’annexion de la Crimée et des évènements dans l’Est de l’Ukraine.
Les plus favorables à cette décision sont les femmes (65%), les 35-49 ans (72%) et les sympathisants de Gauche (77%). 39% indiquent néanmoins que « la France doit lever les sanctions qu’elle a décidées contre la Russie et lever l’embargo ».
68% des Français pensent que l’élection d’Hillary Clinton serait la plus à même de garantir de bonnes relations franco-américaines, contre 4% qui privilégient Donald Trump.
17% indiquent pourtant qu’aucun de ces deux candidats ne pourra garantir de bonnes relations avec la France et 10% précisent que « cette élection sera sans effet sur les relations franco-américaines. » Les sympathisants FN citent certes un peu plus Donald Trump (14% contre 4% en moyenne), mais les sympathisants de Gauche et ceux des Républicains citent très majoritairement Hillary Clinton : c’est le signe qu’à Gauche comme à Droite, la candidate démocrate est identifiée comme une solution préférable par les Français.