Enquête réalisée en ligne du 24 février au 1er mars 2021. Échantillon de 1 021 personnes, représentatif des urbains, c’est à dire des Français vivant dans des agglomérations regroupant 100 000 habitants ou plus, âgés de 18 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, région et taille d’agglomération de l’interviewé(e).
Thème 3 : Désirabilité et plaisirs en ville, un an après le début de la crise sanitaire
Dans un contexte où les mesures sanitaires et les restrictions à la vie quotidienne se sont multipliées dans les grandes villes afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19, l’urbanité est-elle devenue plus terne, plus triste ? Après avoir montré, en 2018-2019, que les urbains vivaient leur ville avec entrain, fluidité et appétit, LCL et Harris Interactive les ont réinterrogés pour connaître leur vécu en ces temps de crise. Un an après l’arrivée de l’épidémie en France, après de nombreux bouleversements et une alternance entre couvre-feux et confinements, comment les urbains vivent la ville aujourd’hui ? Si les précédentes enquêtes, menées en octobre et en décembre derniers, ont montré une vie en ville quelque peu bousculée par les contraintes sanitaires, aujourd’hui le rapport à la ville semble se stabiliser. Vivre en ville sous contraintes comporte ses difficultés mais les urbains semblent s’y habituer, et s’adapter aux nouveaux enjeux que cela implique. Notre enquête, réalisée du 24 février au 1er mars auprès d’un échantillon représentatif de 1 021 personnes, représentatif des urbains (personnes vivant dans des agglomérations de 100 000 habitants ou plus) suggère que les habitudes des urbains se réinventent et que leurs nouvelles pratiques s’inscrivent désormais sur le long terme.
QUE RETENIR DE CETTE ENQUÊTE ?
Un plaisir d’habiter en ville toujours présent quoique légèrement terni
- La période de couvre-feu qui se prolonge n’est pas nécessairement facile à vivre pour tous les urbains : seule une petite majorité d’entre eux (55%) jugent qu’ils la vivent facilement, contre 44% qui déclarent la vivre difficilement. Les urbains les plus jeunes en souffrent davantage que leurs aînés, puisque 55% des moins de 35 ans estiment vivre la période difficilement.
- Cependant, cette difficulté ne remet pas fondamentalement en question le bonheur d’habiter en ville. En effet, les ¾ des urbains (75%) trouvent plaisant d’habiter en ville aujourd’hui, en dépit du contexte sanitaire. Un goût pour la ville plus prononcé chez les 18-24 ans (84%), pourtant particulièrement touchés par les contraintes imposées par la crise. Ce plaisir d’habiter en ville, quelque peu abîmé après l’annonce des premières mesures de couvre-feu en octobre dernier (67% trouvaient alors plaisant d’habiter en ville), a rebondi en décembre pour atteindre 75% pendant le second confinement, un niveau auquel il est toujours en mars. La sortie du confinement n’a ainsi pas été synonyme de libération pour les urbains, qui n’ont pas retrouvé un goût pour la ville aussi intense que début octobre (83%), lorsqu’aucune mesure de restriction particulière n’était mise en place. On note néanmoins que ce plaisir d’être urbain reste toujours mesuré, seuls un peu moins d’un quart des habitants déclarant « très plaisant » d’habiter en ville, quelle que soit la période observée depuis la rentrée.
- Lorsqu’on leur demande de comparer le plaisir de la ville par rapport à la même période l’an dernier, la plupart des urbains le déclarent inchangé (46%). Cependant, signe que les mesures sanitaires pèsent sur eux, pas moins de 36% d’entre eux jugent que la vie en ville est moins plaisante qu’auparavant. Les moins de 35 ans, particulièrement touchés par la crise, sont plus nombreux que la moyenne à rapporter une détérioration du plaisir à vivre en ville (41%). Néanmoins, s’agissant d’une population plus mobile (en termes de logement, de profession, de relations sociales, etc.), ces jeunes sont également plus nombreux à rapporter une amélioration de leur situation (27%).
- Concernant différents aspects de leur habitation, les urbains se déclarent toujours largement satisfaits, qu’il s’agisse du niveau de confort et d’aménagement de leur logement (85%), de sa taille (83%), de leur quartier (83%), ou encore de leur ville (83%). Plus faibles mais comparables à ceux observés en 2018 (différences de l’ordre 2 à 3 points), ces niveaux de satisfaction semblent relativement peu affectés par la crise sanitaire. On peut noter néanmoins une légère baisse de satisfaction par rapport à 2018 quant aux espaces verts disponibles à proximité (de 83% en 2018 à 79% aujourd’hui), que l’on pourrait attribuer à un plus grand besoin d’espace et de nature dans le contexte actuel.
Avec la crise sanitaire, de nouvelles habitudes qui s’inscrivent dans la durée
- La crise semble donc n’avoir pas remis entièrement en cause le plaisir de vivre en ville. Et pour cause, près de 6 urbains sur 10 (59%) déclarent s’être habitués à vivre avec les contraintes liées à l’épidémie et avoir mis en place de nouvelles habitudes. Notons tout de même que 40% déclarent avoir plus de difficultés à s’adapter. Ce ne sont pas les plus jeunes qui s’adaptent le mieux, au contraire : 47% des moins de 35 ans rapportent ne pas s’habituer aux contraintes et vouloir reprendre leurs habitudes antérieures.
- Le maintien du plaisir à être urbain et cette certaine acculturation à la situation peuvent être liées notamment à l’extension des services qui sont aujourd’hui proposés aux urbains, des nouvelles offres de services qui sont dans l’ensemble très bien accueillies: la généralisation des plats à emporter depuis les restaurants, de la livraison de repas à domicile et du click&collect sont considérées comme de bonnes choses par plus de 8 urbains sur 10. L’enthousiasme est moins net pour le développement des échanges sociaux en visio : seuls 51% des urbains jugent qu’il s’agit d’une bonne chose, témoignant de leur désir, sur le plan social, de contacts davantage physiques que digitaux. La période a donc été l’occasion pour les urbains de profiter de nouvelles offres de services, de s’y accoutumer et donc, de changer son quotidien et ses habitudes. 62% des urbains estiment ainsi que l’année écoulée leur a permis d’organiser leur vie quotidienne différemment et de manière satisfaisante, et ils sont tout aussi nombreux à déclarer avoir développé de nouvelles habitudes pour se divertir. On note que malgré un mode de vie resserré autour de chez soi, les urbains ne sont pas majoritaires à déclarer avoir pu découvrir leur ville (44%), leur quartier (44%), ou leur voisinage différemment (41%), un chiffre qui reste néanmoins non négligeable, nombreux étant ceux qui vivent en ville depuis longtemps et qui peuvent déjà bien connaître les alentours.
- Ces nouvelles habitudes sont-elles temporaires ou les urbains souhaitent-ils les conserver même après la crise ? Sur cette question, les urbains se montrent très partagés entre la volonté de revenir à leur quotidien d’avant la crise (46% souhaitent reprendre leurs anciennes habitudes) et celle de maintenir certaines des nouvelles habitudes prises au cours des derniers mois (50%). Parmi les nouvelles habitudes que les urbains souhaiteraient conserver, les activités de bien-être occupent une place prépondérante : en premier lieu, le sport, mais aussi la cuisine, la méditation, ou d’autres activités de loisir délaissées et reprises à l’occasion de la crise. Nombreux sont également ceux qui indiquent souhaiter conserver une hygiène plus stricte même après la crise sanitaire : se laver les mains plus fréquemment, mettre le masque lorsqu’on se sent malade, éviter de serrer les mains, etc.
Paiement sans contact, achats en ligne : une nouvelle consommation appelée à perdurer
- En matière de consommation, la plupart des urbains (48%) n’ont pas le sentiment que leur pouvoir d’achat a évolué par rapport à l’année dernière à la même date, une observation similaire à celle faite en décembre. Plus d’un tiers (35%) s’estiment néanmoins touchés par la crise sanitaire et indiquent un budget plus restreint. Les catégories populaires perçoivent plus souvent une baisse de leur pouvoir d’achat que les catégories supérieures : ainsi, 41% des employés estiment que celui-ci a baissé, contre seulement 30% parmi les cadres et libéraux.
- Le développement des nouvelles pratiques de consommation et de paiement se poursuit. Majoritaire et privilégié en 2018, le paiement par carte bancaire en entrant le code (64%) s’est effondré au cours de la période sanitaire pour atteindre 26% en ce mois de mars 2021, au profit du paiement par carte, mais cette fois sans contact. 55% des urbains déclarent désormais privilégier ce moyen de paiement, un chiffre en régulière augmentation depuis octobre 2020 (50%), qui en 2018 était encore très minoritaire (seuls 17% déclaraient le privilégier). Qu’ils soient plus traditionnels (espèces, chèques) ou plus innovants (paiement via smartphone), les autres moyens de paiement n’ont eux connu presque aucune évolution depuis 2018.
- Outre le paiement sans contact, les achats en ligne et le click&collect, emblématiques de la vie confinée, semblent s’être largement généralisés. En effet, plus de 2/3 des urbains (68%) déclarent avoir eu recours aux sites online comme Amazon pour leurs achats au cours des dernières semaines, et 43% au click&collect auprès de petits commerçants, des comportements très similaires à ceux déclarés en décembre dernier lors du second confinement, voire en légère augmentation (respectivement, 66% et 41% en décembre). Ainsi, même non confinés, les urbains semblent avoir conservé certaines nouvelles habitudes de consommation adoptées pendant le confinement.
- S’ils sont 43% à déclarer y avoir eu recours au cours des dernières semaines, la moitié des urbains (50%) indique avoir déjà recours au click&collect, alors qu’ils étaient 44% en décembre dernier. Parmi eux, une majorité a l’intention de continuer à utiliser ce service même lorsque les magasins seront à nouveau ouverts au public sans restriction d’horaires (27%, +4 points). Cet attrait pour le click&collect réunit les tranches d’âges les plus jeunes mais aussi la tranche des 35-49 ans. A l’inverse, les personnes de 50 ans et plus sont moins concernés : 46% d’entre eux (et jusqu’à 54% pour la tranche 65 ans et plus) n’y ont pas recours et n’ont pas l’intention d’utiliser ce service, contre 30% en moyenne.
- Le développement du click&collect et des achats en ligne, ne remettent pas pour autant en cause les commerces traditionnels, puisque 6 urbains sur 10 déclarent être attachés aux petits commerces. De plus, plus de la moitié des urbains (54%) affirme même avoir fait des achats expressément dans un petit commerce dans le but de soutenir son activité économique au cours des dernières semaines.
Pour demain, la redécouverte d’un mode de vie urbain sans révolutions, mais avec davantage de services
- Interrogés sur les offres qui leur manquent le plus, les urbains mentionnent en premier lieu les restaurants. Ainsi, 64% d’entre eux déclarent être impatients de retourner au restaurant quand cela sera possible. Dans une moindre mesure, la possibilité de voyager en dehors des frontières Françaises (36%) et d’aller au cinéma (34%) sont également évoquées. Les habitants de la région parisienne et les cadres se déclarent particulièrement impatients de pouvoir voyager à nouveau (46% vs. 36% en moyenne). Les cafés, bars, ainsi que les discothèques sont plus souvent regrettés par les plus jeunes (respectivement, 35% et 17% chez les 18-24 ans, contre 26% et 5% chez l’ensemble des urbains). Dans un contexte où les restrictions sanitaires s’éternisent, on note que les urbains ont davantage hâte d’une levée de couvre-feu leur permettant de se déplacer après 18 heures (24%) qu’ils ne sont impatients d’une réouverture des salles de concert (11%), des musées (11%) ou des théâtres (6%).
- Les urbains ont-ils l’intention de rattraper le temps perdu au cours de cette crise sanitaire en consommant plus qu’avant et en ayant des relations sociales plus intenses ? Plus de 4 urbains sur 10 déclarent souhaiter rendre visite à leurs proches plus souvent qu’avant une fois les contraintes sanitaires derrière eux, tandis que 40% d’entre eux affirment souhaiter le faire autant qu’avant. Dans une moindre mesure, une partie des urbains souhaite aller davantage au restaurant (37%), voyager en France (36%), aller au cinéma, au théâtre ou au musée (31%). On peut donc s’attendre à un retour, voire à un rebond de la consommation de ces différents services aujourd’hui indisponibles ou restreints, même si une large part d’urbains déclarent ne pas vouloir changer leurs habitudes de consommation sur ces différents services (entre 40% et 60% selon le service).
- Assez largement, les urbains anticipent une évolution durable des offres de services qui ont émergé ou se sont renforcés pendant la crise sanitaire : 86% pensent que de nouveaux services comme le click&collect se généraliseront, 81% estiment que la télémédecine va continuer de se développer, et 77% que le télétravail va prendre plus d’ampleur. En somme, les urbains envisagent surtout une reprise de leur vie comme avant, sans bouleversement radical de leurs habitudes d’avant crise, enrichie de ces nouveaux services qui leur sont devenus coutumiers.
- Finalement, quelle ville envisagent-ils de fréquenter demain, après la crise, la ville sera-t-elle plus conviviale qu’avant ? Les urbains en doutent : 53% estiment que la ville sera demain plus douce à vivre que 46% n’imaginent pas qu’elle puisse être différente. Mais cela ne les bouleverse pas. Malgré le contexte difficile et les incertitudes, la grande majorité des urbains (88%) souhaite rester vivre en ville au cours des prochaines années, (+3 points par rapport à décembre). Surtout, ils sont désormais majoritaires à penser que la vie en ville pourra reprendre son cours de manière normale (51% contre 39% en décembre), alors qu’ils envisageaient davantage de renoncements à la fin de l’année 2020 : 46% estimaient que, malgré leur souhait de continuer à y habiter, la ville aurait changé pour eux, un chiffre en baisse de 9 points (37%).
- Ainsi, seule une faible partie des urbains envisage réellement de quitter la ville après la crise sanitaire (10%, -4 points depuis décembre). Si une part importante d’urbains (64%) déclarent souhaiter déménager, ce n’est pas nécessairement pour quitter la ville, au contraire : près de la moitié des urbains (49%) envisageraient de déménager vers une autre ville française. Un désir qui regagne légèrement en intensité au fil des mois, après une augmentation de l’attrait des zones rurales observée à la rentrée 2020 et stabilisée aujourd’hui.
Ainsi, globalement satisfaits de leur lieu d’habitation malgré un contexte immédiat difficile, les urbains continuent de se projeter dans la ville, dans un environnement dont les contours auront été réaménagés par la crise sanitaire et les nouvelles pratiques dont elle a accéléré le développement… Mais dans lequel ils souhaitent conserver leurs habitudes.