Dans le cadre du second tour des élections régionales de décembre 2015, Harris Interactive a réalisé pour M6 une enquête permettant de mieux comprendre les motivations du vote et de l’abstention lors de ce second tour du scrutin.
Alors que le premier tour avait été marqué par le score élevé du Front National, arrivé en tête dans 6 des 12 régions de France Métropolitaine[1], la formation présidée par Marine Le Pen n’a finalement pas été en mesure de conquérir un Conseil Régional, puisque la Droite a emporté la majorité dans 7 régions de France métropolitaine, les 5 autres ayant vu une victoire de la Gauche. Ce second tour a également été caractérisé par une forte hausse de la participation (58,5%) et des reports de voix élevés des électorats de premier tour vers les listes capables de battre le Front National au second. Selon des résultats en France Métropolitaine publiés par le Ministère de l’Intérieur[2], les listes soutenues par la Droite ont recueilli 40,7% des votes exprimés, celles soutenues par la Gauche[3] 31,3%, tandis que les listes frontistes ont obtenu 28% des voix – soit presque autant qu’au premier tour (28,5%), et ce dans un contexte de hausse de la participation.
Si le FN ne l’a emporté au final dans aucune région, cela s’explique notamment par reports de voix extrêmement favorables vers les listes pouvant battre le Front National. Ainsi, dans le cadre des triangulaires, les électeurs de premier tour du Front de Gauche (92%), d’Europe Écologie Les Verts (78%) et du Parti socialiste (92%) ayant exprimé un vote au second tour se sont très majoritairement exprimés au second tour en faveur des listes de Gauche.
De même, les personnes ayant voté pour les listes Debout La France au premier tour se sont davantage mobilisées pour la Droite (67%) que pour le Front National (23%). Dans les deux situations de duels entre la Droite et le Front National, les électeurs du PS au premier tour ayant exprimé un vote au second se sont massivement déclarés en faveur des listes de Droite (92%).
78% des personnes ayant exprimé un vote déclarent avoir fait leur choix pour le second tour dès le soir du premier tour (31%), voire avant même le scrutin (47%). Seuls 22% des exprimés indiquent s’être décidés le jour-même du second tour (7%) ou dans la semaine d’entre-deux-tours (15%). Le moment du choix est sensiblement identique dans les régions où le second tour opposait la Gauche, la Droite et le FN dans le cadre d’une triangulaire, et dans celles où se disputait un duel entre la Droite et le Front National. Comme au premier tour, l’électorat FN se caractérise par sa plus grande certitude de choix, puisque les électeurs frontistes sont une majorité absolue (56%) à affirmer qu’ils savaient déjà pour qui ils allaient voter au second tour avant même le premier tour.
La présence à l’esprit du Front National chez les électeurs de second tour se vérifie à travers plusieurs indicateurs. Tout d’abord, lorsque l’on interroge spontanément les électeurs de Gauche ou de Droite sur ce qui a motivé leur choix, le Front National constitue la référence la plus utilisée.
Ensuite, à l’occasion de ce second tour, les personnes ayant exprimé un vote indiquent autant avoir voulu voter « contre » une liste (83%) que voter « en faveur » d’une liste (84%), tandis que les électeurs de Gauche et de Droite sont 72% à se reconnaître explicitement dans la volonté de « faire barrage au Front National dans leur région ». Dans le détail, les électeurs confrontés à une situation de duel Droite/FN au second tour sont plus nombreux à déclarer avoir souhaité faire barrage au Front National que ceux ayant voté dans le cadre d’une triangulaire (82% contre 70%). Dans les situations de triangulaire, les électeurs d’une liste de Gauche au second tour sont nettement plus nombreux que les électeurs d’une liste de Droite à indiquer avoir voté pour faire barrage au FN (81% contre 59%).
Parmi les personnes ayant exprimé un vote, 37% indiquent avoir voulu exprimer leur insatisfaction à l’égard du Président de la République François Hollande et du Gouvernement, soit 3 points de moins qu’à l’issue du premier tour. De même, seuls 8% des exprimés affirment avoir voulu témoigner leur soutien à l’exécutif, contre 13% la semaine passée.
Les Français sont donc plus nombreux qu’au premier tour à dé-corréler leur vote d’un jugement sur François Hollande et le Gouvernement (55%, contre 47% au premier tour), même si la volonté de sanctionner l’exécutif reste largement majoritaire parmi les électeurs du Front National (66%).
Interrogés sur les raisons qui les ont poussés à voter en faveur du Front National, les électeurs frontistes de second tour témoignent d’une réelle adhésion au parti présidé par Marine Le Pen. Leur première motivation est de donner au FN une chance de faire ses preuves dans des régions (51%), un argument qui devance nettement le mécontentement à l’égard des partis de Gauche et de Droite (41%).
L’écart entre ces deux principales motivations (10 points) se creuse par rapport au second tour des élections départementales (5 points). Qui plus est, alors même qu’ils constituent un socle de plus en plus large, les électeurs frontistes sont de plus en plus nombreux à attribuer des caractéristiques intrinsèquement positives au FN : 28% estiment que ses représentants se préoccupent des gens comme eux (+4 points par rapport au second tour des départementales), 26% qu’ils font plus confiance au FN qu’aux autres responsables politiques (+4 points), 25% que le Front National a un programme qui peut améliorer la situation sur leur territoire (+1 point).
Enfin, 23% des électeurs frontistes justifient leur choix en estimant que les représentants du FN sont les seuls à proposer de nouvelles solutions (-4 points), 18% qu’ils sont plus à même de bien gérer les dépenses régionales (+4 points), et 15% que les candidats frontistes sont les seuls compréhensibles quand ils parlent (+7 points).
Dans un contexte de hausse de la participation par rapport au premier tour, qui sont les inscrits sur les listes électorales qui se sont abstenus au second tour ? Pour expliquer leur choix, ces abstentionnistes invoquent principalement leur manque de confiance envers les responsables politiques (45%, soit davantage qu’au premier tour). 26% déclarent qu’ils ne sont reconnus dans aucune des listes présentes au second tour, 23% jugent que cela n’aura pas de conséquences sur leur vie quotidienne, 19% que cela ne les intéresse pas, 17% qu’ils n’étaient pas à l’endroit où ils sont inscrits sur les listes électorales. Moins d’une personne sur six explique s’être abstenue pour sanctionner la manière dont se passent les choses dans leur région (16%) ou manifester leur mécontentement à l’égard de l’exécutif (15%). Enfin, 9% déclarent que cela n’aura pas d’impact sur la situation dans la région, 6% qu’ils avaient autre chose de mieux à faire, et 5% qu’ils n’étaient pas suffisamment informés.
59% des Français estiment que la Droite est capable de bien gérer leur région, quand les avis sont plus partagés sur la Gauche : 46% l’en jugent capable, tandis que 53% affirment le contraire. En revanche, seule une personne sur trois (34%) attribue cette capacité au Front National. Le décalage de perception entre Droite et Gauche s’explique par le fait que les électeurs FN (12%) mais aussi de Droite (41%) sont seulement une minorité à juger la Gauche capable de bien gérer leur région, tandis que les électeurs de Gauche sont une courte majorité (55%) à estimer la Droite capable en la matière, même s’ils se montrent plus sceptiques encore au sujet du Front National (seulement 6%).
Interrogés sur les conséquences de ces élections régionales sur la situation dans leur région, 24% anticipent une amélioration et 18% une dégradation, tandis que 57% jugent que cela n’aura pas d’impact particulier. L’absence de changement notable constitue également la première conséquence attendue au niveau national (60%) et dans la vie quotidienne de chacun (67%).
Les électeurs du Front National au second tour sont, nettement, ceux qui s’attendaient le plus à voir la situation évoluer à tous les niveaux, que ce soit positivement (entre 30% et 34% amélioration) ou négativement (entre 14% et 24% dégradation). Si les électeurs du Front National s’attendaient particulièrement à une amélioration avant de connaître les résultats du second tour, c’est sans doute parce qu’ils étaient particulièrement confiants dans la capacité du FN à l’emporter dans une ou plusieurs régions.
Quelles que soient les conséquences anticipées de ce scrutin, les Français affectent une priorité claire à leur nouveau Conseil Régional : la promotion du développement économique et de l’emploi (56% « tout à fait prioritaire »), devant l’apprentissage et la formation professionnelle (49%), les dépenses de la région (48%) et la sécurité (48%).
Avant de connaître les résultats de ce second tour, 51% des Français se prononçaient en faveur du maintien de Manuel Valls à Matignon (ils étaient 57% au second tour des dernières élections départementales), alors que 48% privilégiaient la nomination d’un nouveau Premier ministre. Les sympathisants socialistes se montraient particulièrement favorables au maintien de Manuel Valls (85%), tandis que les sympathisants Les Républicains (53%) et surtout ceux du Front National (81%) s’y déclaraient majoritairement opposés.
Si un remaniement devait avoir lieu, 72% des Français souhaiteraient voir des ministres issus de la société civile intégrer le gouvernement, contre 46% des ministres centristes (MoDem ou UDI), 43% des ministres écologistes hors-EELV, 39% des ministres Les Républicains, 36% des ministres EELV et 31% des ministres Front de Gauche. Notons que les sympathisants des différentes forces politiques souhaitent toujours majoritairement la présence au gouvernement de ministres issus de leur camp.
Enfin, parmi différentes personnalités envisagées comme Ministres, 44% des Français souhaitent voir Nicolas Hulot intégrer un gouvernement remanié, contre 33% pour Bertrand Delanoë et 30% pour Martine Aubry. Ces trois personnalités sont même souhaitées par une majorité des sympathisants de Gauche, qu’il s’agisse du Front de Gauche, d’EELV ou du Parti socialiste.