Sondage Harris Interactive pour le Groupe Socialiste du Sénat
Enquête réalisée par téléphone du 20 avril au 9 mai 2011 auprès d’un échantillon représentatif de 500 élus municipaux. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : région et taille de la commune. L’échantillon a été stratifié selon la région et la taille de la commune et raisonné selon la taille de la commune : certaines tailles de communes ont été surreprésentées de manière à disposer d’effectifs suffisants puis ramenées à leur poids réel dans l’échantillon lors du traitement informatique de l’étude.
Paris, le 25 mai 2011 — A la demande du Groupe Socialiste du Sénat, Harris Interactive a réalisé une enquête auprès d’un échantillon représentatif de 500 élus locaux afin de connaître leurs perceptions des évolutions touchant les collectivités locales, et ce quelques mois après le vote des lois portant sur la réforme territoriale et de la Taxe Professionnelle.
Quels sont les principaux enseignements de cette enquête ?
Dans le détail :
L’importance accordée aux différents échelons territoriaux dépend pour partie de leur proximité par rapport aux citoyens
Les élus locaux interrogés accordent de l’importance à l’ensemble des échelons territoriaux qui existent aujourd’hui. En effet, aucun n’est jugé majoritairement inutile. Toutefois, il existe des degrés dans l’utilité perçue. Et l’on constate que cet ordonnancement est pour partie corrélé à la taille / la proximité des échelons par rapport aux citoyens. Ainsi, 80% des élus déclarent que l’existence des communes est essentielle. 64% sont du même avis en ce qui concerne les structures intercommunales. Une majorité absolue ou relative estime également que l’existence des Départements et des Régions est essentielle (respectivement 53% et 46% quand 32% et 37% jugent ces échelons importants mais pas essentiels). On constate donc l’existence d’une dégradation perçue allant du plus petit échelon local au plus grand, ce qui correspond d’ailleurs à l’attachement dont la population fait part envers ces différentes institutions. En revanche, la deuxième partie du classement ne permet pas d’adopter une telle grille de lecture. Les avis sont en effet un peu plus partagés en ce qui concerne les cantons : 34% les considèrent comme essentiels, 29% comme importants mais 24% comme secondaires et même 13% inutiles. Viennent ensuite les Pays, que seuls 22% des élus jugent essentiels et 24% importants, la majorité les considérant comme secondaires (26%) voire inutiles (26%). L’échelon territorial perçu comme le moins essentiel est l’arrondissement (15%, pour 25% important, 34% secondaire et 24% inutile).
Dans le détail, on constate que les élus locaux de Gauche ont davantage tendance à indiquer que les édiles de Droite que l’existence des communes (85% contre 73%), des Départements (56% contre 41%) et des Régions (65% contre 30%) est essentielle. On constate par ailleurs que les structures intercommunales sont perçues comme plus indispensables par les élus du Sud-Ouest et Sud-Est (respectivement 83% et 73%) que par les élus du Nord-Ouest (56%).
Les élus déplorent une dégradation des principaux services publics, et craignent qu’elle se poursuive
Les élus locaux ont aujourd’hui le sentiment que la situation est bonne dans la gendarmerie et la police (70% dont 6% très bonne et 64% plutôt bonne). Celle des établissements scolaires (écoles, collèges et lycées) leur apparaît également majoritairement comme bonne (62%, dont 3% très bonne et 59% plutôt bonne), quand un peu plus d’un tiers la juge mauvaise (36%). Une courte majorité estime aussi que la situation dans les hôpitaux et différents lieux de santé reste en général bonne (51%, dont 1% très bonne et 50% plutôt bonne). En revanche, près de six élus sur dix (59%) font le constat d’une situation mauvaise pour La Poste.
La lecture de ces jugements semble être en premier lieu politique : en effet, les élus se déclarant proches d’un parti de Gauche dressent un tableau négatif pour l’ensemble de ces services à l’exception de la gendarmerie et de la Police (64% jugent ainsi la situation mauvaise à la Poste, 65% en termes d’accès au soin, et 54% en ce qui concerne l’éducation mais aussi 40% pour la gendarmerie et la police). En revanche, les élus se déclarant proches d’un parti de Droite sont moins sévères dans leur jugement (respectivement 50%, 32%, 20% et 22%). Les élus ne déclarant aucune préférence partisane adoptent en général une position médiane entre élus de Gauche et élus de Droite, mis à part lorsqu’il est question de La Poste. Dans ce cas ils partagent au même niveau le constat « dépréciatif » des élus de Gauche.
Interrogés ensuite sur la dynamique récente des services publics, la majorité des élus indique avoir le sentiment d’une dégradation. Ainsi, 74% ont le sentiment que depuis quelques années, la situation de la Poste se dégrade, 68% pensent de même en ce qui concerne les hôpitaux et les lieux de santé et 61% au sujet des écoles, collèges et lycées. 46% pensent également que la situation a connu une détérioration ces dernières années au sein de la gendarmerie et de la police. Très peu d’élus font état d’une amélioration de la situation au cours des dernières années, les autres répondants optant plutôt pour le statu quo.
Si les élus de Gauche dressent un tableau aussi « noir » de la situation actuelle, c’est parce qu’ils ont très majoritairement le sentiment que la situation de ces différents services publics s’est dégradée au cours des derniers années : cette perception est partagée par 82% des élus de Gauche pour La Poste comme pour l’Hôpital, 76% pour les établissements scolaires et 60% pour la gendarmerie et la police. Une nouvelle fois, les élus de Droite sont un peu moins critiques. Notons cependant que 63% partagent le sentiment d’une situation dégradée à La Poste et 52% dans les structures de santé, mais aussi 45% dans les établissements scolaires. Il n’y a qu’en ce qui concerne la gendarmerie et la police qu’ils optent majoritairement pour une forme de stabilité (46% contre 39% « se dégrade »).
Enfin, amenés à se projeter dans l’avenir de ces services, les élus locaux se montrent plutôt pessimistes. Seule une petite minorité estime que la tendance déplorée à la question précédente peut être stabilisée voire inversée. La majorité croît au contraire que la situation va empirer au cours des prochaines années. Ainsi, 63% ont le sentiment que la situation de La Poste va se dégrader, 58% la situation des lieux de santé et 53% la situation des écoles, collèges et lycées. Sur la question de la gendarmerie et de la police, 42% pensent que la situation ne va ni s’améliorer, ni se dégrader, quand 41% craignent une détérioration de ces services. Sur cette question également, on observe des différences en fonction de la proximité politique des élus, les élus de Gauche se montrant plus pessimistes que les élus de Droite pour les 4 services testés.
La perception des évolutions touchant les collectivités : le renforcement de l’intercommunalité est bien perçue, la mise en place des conseillers territoriaux divise les élus locaux, quand la réforme de la taxe professionnelle et la fin de la clause de compétence générale sont critiquées
Une grande majorité des élus locaux juge que les transferts financiers dans le cadre de la décentralisation n’ont pas été à la hauteur des transferts de compétences (71%). 20% estiment que leur niveau s’est avéré en adéquation avec le transfert de compétences et 8% jugent qu’ils ont même été plus importants. Ce sont les élus locaux du sud de la France qui sont les plus nombreux à penser que ces transferts ont été insuffisants (90% dans le Sud-Ouest et 83% dans le Sud-Est) tout comme les élus de Gauche (85%) et ceux dont le mandat a débuté entre 1996 et 2007 (83%).
Dans ce contexte, la réforme de la taxe professionnelle est une des évolutions qui est la plus mal perçue : 57% des élus interrogés estiment en effet que cette réforme va plutôt dans le mauvais sens (contre 36% dans le bon sens). Les élus de Gauche sont même 72% à le penser, contre 40% des élus de Droite. Une courte majorité d’élus (53%) estime également que la fin de la clause de compétence générale est plutôt une évolution qui va dans le mauvais sens (contre 32% dans le bon sens, 15% ne se prononçant pas sur ce point). Cette mesure est également plus décriée à Gauche qu’à Droite (67% contre 39%).
Le développement de l’intercommunalité est en revanche plutôt bien perçu. En effet, 65% estiment que la finalisation de la carte de l’intercommunalité va plutôt dans le bon sens, tout comme 56% semblent plutôt favorables à l’élection conjointe des conseillers municipaux et des représentants des structures intercommunales. En revanche, la création d’un nouvel EPCI appelé « métropole »ne va dans le bon sens que pour 29% des enquêtes (contre 63% qui jugent négativement cette évolution). Ces jugements sont majoritairement partagés par les élus de Gauche comme par les élus de Droite, bien que les seconds se montrent légèrement plus enthousiastes sur les deux premiers points.
Mesure-phare de la réforme des collectivités territoriales, la mise en place des conseillers territoriaux divise les élus : 46% y voient une évolution positive (67% à Droite) quand 53% y voient au contraire une évolution négative (70% à Gauche). C’est également le cas de l’encadrement des co-financements : 43% indiquent que cela va plutôt dans le bon sens et 47% plutôt dans le mauvais sens, les plus hostiles étant les élus de Gauche (53%).
Constatons en outre l’existence d’une corrélation entre le jugement porté sur ces différentes évolutions et le sentiment que les élus locaux ont été ou non suffisamment consultés dans le cadre de la réforme territoriale : ainsi, les élus ayant l’impression de ne pas avoir été suffisamment consultés sont plus susceptibles de critiquer l’ensemble de ces transformations.
La proportion de ces élus qui ont le sentiment que leur avis n’a pas été suffisamment demandé est d’ailleurs de 77%. Cette impression est unanimement partagée puisqu’aucune catégorie d’élus n’indique majoritairement avoir l’impression contraire.
De plus, notons que 72% des élus interrogés ont le sentiment de n’être plutôt pas valorisés par le gouvernement alors qu’une majorité (65%) estime être valorisée par les citoyens. Si 38% des élus de Droite se sentent considérés par le gouvernement, ce n’est le cas que de 21% des élus sans préférence partisane et 9% des élus de Gauche. Ces deux questions sont assez fortement corrélées, puisque 79% des répondants qui ont le sentiment de ne pas avoir été suffisamment consultés dans le cadre de la réforme territoriale se sentent dévalorisés par le gouvernement (contre 48% de ceux qui disent que les élus locaux ont été suffisamment associés à la réforme).
Les arguments testés contre la réforme territoriale suscitent une adhésion plus forte auprès des élus locaux interrogés que les arguments qui la défendent
Environ les trois-quarts des élus interrogés sont d’accord avec les affirmations selon lesquelles les évolutions liées à la réforme des collectivités territoriales et de la taxe professionnelle « vont fragiliser l’autonomie fiscale et financières des collectivités territoriales » (76%), « réduire les possibilités de financements des communes » (74%) ou encore « limiter la capacité d’investissement des collectivités territoriales » (72%). C’est donc sur la question des finances que le bât blesse le plus, particulièrement pour les élus de Gauche (respectivement 83%, 81% et 80% contre 71%, 67% et 67% pour les élus de Droite). 62% sont d’accord pour dire que cela va sans doute « conduire à transférer au secteur privé une part importante de l’investissement public » (73% à Gauche et 58% à Droite). 57% considèrent de plus que ces évolutions « vont à l’encontre de la décentralisation mise en œuvre dans le pays depuis près de 30 ans » (67% à Gauche et 51% à Droite). On le voit, si le degré d’adhésion varie en fonction de la proximité politique, la majorité des élus se déclarent d’accord avec ces arguments contre la réforme des collectivités territoriales.
Dans le détail, on observe également que les élus les plus récents (élus en 2008 ou depuis) sont les plus nombreux à craindre une limitation de la capacité d’investissement (79%). Et les élus du Sud-Ouest se distinguent encore en adhérant plus que la moyenne à l’ensemble des ces critiques. Comme pour la question précédente, les élus ayant le sentiment de ne pas avoir été suffisamment consultés se montrent également plus sensibles aux arguments critiquant la réforme.
Les arguments en faveur de la réforme testés au cours de cette étude suscitent sensiblement moins d’adhésion. Seule l’affirmation « ces évolutions vont permettre de clarifier les compétences de chaque échelon » est approuvée par 50% des élus, contre 47% ne l’approuvant pas. Elle est surtout admise à Droite (63%, pour 43% au sein des élus de Gauche). 43% des élus estiment que ces évolutions vont également « permettre de mieux correspondre aux réalités territoriales d’aujourd’hui » (contre 55%) : 61% des élus de Droite se disent d’accord avec cette idée pour seulement 31% des élus de Gauche. Moins d’un tiers (30%) sont d’accord avec l’idée selon laquelle cette réforme va « permettre de réduire les déficits publics » ou « de rendre un meilleur service au public »(contre 68% dans les deux cas). Enfin, l’idée selon laquelle ces évolutions vont « permettre de renforcer la démocratie locale » ne convainc qu’un quart des sondés (25% contre 74%). Ces trois derniers arguments persuadent un peu plus les élus de Droite, mais pas une majorité d’entre eux (respectivement 42%, 42% et 37%).
Les résultats détaillés montrent par ailleurs que les élus de région parisienne sont systématiquement plus nombreux que la moyenne à se déclarer d’accord avec l’ensemble de ces affirmations.
Les conséquences anticipées de la réforme territoriale : les élus doutent d’effets positifs réels sur la répartition des rôles mais anticipent un moindre cumul des mandats
Un peu plus d’un tiers des élus interrogés estime, qu’avec la mise en œuvre de la réforme territoriale, la répartition des rôles et des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales sera efficace (38%, dont 8% tout à fait), juste (36%, dont 7% tout à fait) et claire (34%, dont 5% tout à fait). Une majorité d’entre eux doute par conséquent de la capacité de la réforme à clarifier et à optimiser la répartition des rôles. Les élus de Droite sont partagés sur l’ensemble de ces éléments : 54% anticipent ainsi une répartition efficace et juste et 50% une répartition claire. En revanche, environ les deux-tiers des élus de Gauche mais aussi des élus sans préférence partisane ne le pensent pas.
Les élus se montrent également très partagés, mais dans l’ensemble optimistes, en ce qui concerne les conséquences de cette réforme sur la parité hommes / femmes : 43% pensent qu’elle va être « renforcée », pour 21% « réduite », alors que 31% estiment que cela ne va rien changer. Seuls 32% des élus de Gauche envisagent cette conséquence positive contre 54% des élus de Droite.
Seule conséquence estimée probable par une majorité absolue d’enquêtés : la réduction du cumul des mandats. 60% estiment en effet que la réforme territoriale va rendre moins fréquent le cumul des mandats (contre 24% qui pensent qu’elle va le rendre plus fréquent et 14% ni l’un ni l’autre). Là encore, les élus de Gauche se montrent un peu plus sceptiques : seuls 55% l’anticipent contre 68% à Droite.
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